Édito

Laïcité: le pour et le contre

Le 10 février les Genevois devront dire s’ils acceptent ou non la loi sur la laïcité. Ces deux éditos sont le fruit des débats qui ont animé la rédaction.
Laïcité: le pour et le contre 1
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Laïcité

Une loi malheureusement nécessaire

Faut-il rejeter en bloc la loi sur la laïcité pour quelques excès (principalement le stupide ajout par une droite perméable aux idées populistes d’une interdiction de tout signe religieux imposé aux députés)? Ce serait oublier que ce dispositif est légalement nécessaire – même si, dans les faits, peu de choses changeront, le terrain est déjà passablement balisé – et apporte nombre de progrès non négligeables.

Une partie des référendaires s’insurge contre la lecture relativement rigoureuse qui est faite de la laïcité: la neutralité religieuse imposée aux fonctionnaires d’Etat leur interdira tout signe extérieur de leur religion. On est tenté de dire: et alors? Ces personnes – sont-elles aussi nombreuses que le prétendent les référendaires? – enlèveront leur foulard, leur kippa ou autre attribut religieux au travail. Ce n’est pas la fin du monde et n’empêche nullement une pratique de ses croyances. Si on a des pratiques religieuses tellement ancrées qu’elles constituent un obstacle insurmontable à l’intégration professionnelle, c’est peut-être qu’un problème va poindre.

Il faut bien placer la limite en matière de neutralité religieuse de l’Etat quelque part. Où qu’elle soit, elle sera de toute façon contestée par des milieux qui avancent leurs pions sur un échiquier politique; on est aussi face à des enjeux de pouvoir. La loi est peut-être un peu stricte; elle a pour elle le mérite de la clarté.

La démocratie s’est certes construite pour défendre la liberté de pensée et, on l’oublie effectivement parfois, la liberté religieuse. Mais elle s’est aussi construite pour défendre la sphère publique contre l’emprise du religieux souvent hostile aux droits démocratiques. Ce processus est encore en construction et impose, effectivement, un cadrage de ce qui devrait relever du strict domaine du privé. Philippe Bach

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Non aux chantres de l’intolérance

Des années de travaux parlementaires pour en arriver à un résultat qui attise l’intolérance… La loi sur la laïcité offre un triste spectacle alors même que la stricte séparation de l’Etat et des pouvoirs religieux est une nécessité pour protéger la primauté des intérêts citoyens.

Mais l’objet soumis au vote manque sa cible; il va trop loin contre les libertés individuelles et se montre clément envers les institutions religieuses. A force d’obsession sur le voile islamique, les chantres de ce texte ont perdu le fil. Si leur seule volonté était de protéger la liberté de conscience, pourquoi ces débats sur le port d’un tissu (parfois étendus à la croix ou la calotte) pour finalement permettre aux Eglises de tenir des stands en pleine rue et baptiser allègrement les ouailles en plein air?

Une partie de la population se trouve déstabilisée devant le fait religieux – à raison, au vu de la montée des extrêmes et au souvenir des longs combats contre le poids de l’Eglise. Entendre ces inquiétudes ne doit pas signifier dévoiler des femmes de force, qu’elles le portent volontairement ou non. Les dérives religieuses tiennent moins aux symboles affichés qu’à ce qui se passe dans les têtes et aux pressions des communautés religieuses. C’est sur ces derniers points qu’il faut donc travailler.

Une loi avisée aurait dû se contenter de s’ancrer à cet esprit républicain dont on entend tant parler: la neutralité de l’Etat. Et ne pas rendre celui-ci particulièrement oppressant pour une certaine catégorie de personnes. Elle aurait eu meilleur temps de serrer la vis sur le financement des institutions qui, quoique sacrées, sont peu de choses sans espèces sonnantes et trébuchantes.

On en arrive à regretter la situation antérieure à la Constitution de 2012, à vouloir résoudre les éventuelles frictions par du bon sens plutôt que par une loi rigide. Laura Drompt

Opinions Édito Laura Drompt, Philippe Bach Laïcité

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