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Ignazio Cassis, un danger pour la Suisse

La protection efficace des salaires en Suisse n’est pas un obstacle à la poursuite de la voie bilatérale, estime l’Union syndicale suisse (USS), mais bien une condition.
Suisse-UE 

Depuis plusieurs jours, nous assistons à nouveau au spectacle désolant d’un chef de la diplomatie suisse, Ignazio Cassis, qui saisit chaque occasion pour appeler à sacrifier la protection des salaires en Suisse face à la Commission européenne. Ses propos dans une interview au magazine numérique Republik1>1 sont particulièrement extrêmes. De toute évidence, le conseiller fédéral PLR a complètement disjoncté.

Rappelez-vous: pendant cinq ans, depuis le début des négociations sur un accord-cadre avec l’Union européenne (UE), la Suisse a toujours qualifié la protection des salaires comme une ligne rouge à ne pas franchir. A la mi-juin de cette année, M. Cassis a commencé à s’en prendre à la protection des salaires, de concert avec son négociateur en chef Roberto Balzaretti et le ministre de l’Economie Johann Schneider-Ammann. Et ils sont revenus à la charge de manière répétée. La protection des salaires en Suisse n’est pas négociable.

A chaque occasion, les deux conseillers fédéraux PLR et leurs subordonnés politiques prétendent malgré tout que la protection européenne des salaires est comparable à celle de la Suisse. Si c’était vraiment le cas, si cette protection était aussi bonne dans l’Union européenne qu’en Suisse, pourquoi alors voudraient-ils supprimer des pans entiers de notre système de protection qui a fait ses preuves, dans le but avoué de faciliter l’accès au marché pour les entreprises européennes? Aucun des «bradeurs» de la protection des salaires n’a pu donner une réponse à cette question toute simple.

Si malgré l’évidence, quelqu’un était tenté d’accorder encore quelque crédit à ces affirmations, il ou elle a dû enterrer ses dernières illusions le 18 novembre au plus tard: la Cour de justice de l’Union européenne (à ne pas confondre avec la Cour européenne des droits de l’homme) a en effet déclaré non valable une bonne partie de la protection des salaires en Autriche. Une fois de plus, la Cour a fait passer la liberté commerciale d’une entreprise de construction pratiquant la sous-enchère salariale avant la protection sociale des travailleurs et travailleuses. A noter que le système autrichien de protection est beaucoup moins strict que celui de la Suisse!

Maintenant, ou M. Cassis et son négociateur en chef M. Balzaretti comprennent enfin que la ligne rouge décrétée par le Conseil fédéral pour la protection des salaires a de très bonnes raisons d’être, même en matière de contenu. Et ils défendent à nouveau la position de la Suisse au lieu de dénigrer la protection salariale.

Ou alors ils se transforment véritablement en un danger majeur pour la Suisse. Peut-on encore s’étonner de ce que la Commission européenne se montre intraitable avec la Suisse sur cette question si notre ministre des Affaires étrangères lui-même et les secrétaires d’Etat en charge du dossier se positionnent de plus en plus ouvertement du côté de Bruxelles? Alors qu’ils devraient défendre la ligne du Conseil fédéral…

La protection efficace des salaires en Suisse, élaborée de manière indépendante et non discriminante, n’est pas un obstacle à la poursuite de la voie bilatérale, mais bien une condition. C’était le cas dans le passé. Et ça ne changera pas à l’avenir. Les égarements de notre ministre des Affaires étrangères n’y changeront rien.

Notes[+]

Paul Rechsteiner est Président de l’Union syndicale suisse (auquel succédera Pierre-Yves Maillard au printemps 2019).
<fn>1</fn> Roger de Weck, «‘An der Bar’ mit Ignazio Cassis», Republik, 9 novembre 2018, bit.ly/2Po8TWU

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