Édito

Accord-cadre: sept ans de solitude

Accord-cadre: sept ans de solitude
Le 23 avril dernier, le président de la Confédération, Guy Parmelin, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ne regardaient déjà plus dans la même direction. KEYSTONE
Suisse-UE 

Le Conseil fédéral a tiré ce mercredi la prise de l’accord-cadre qui était en discussion depuis sept ans entre Bruxelles et Berne. Il faut dire que cela sentait le roussi depuis quelque temps déjà.

La pression que l’Union européenne mettait sur la Suisse ne laissait guère d’illusions sur la marge de manoeuvre des négociateurs helvétiques. Avec le mélange d’arrogance et de suffisance néolibérale qui sert de boussole idéologique à la bureaucratie communautaire, la Suisse avait été sommée de signer ce texte au lendemain du refus par le peuple, en septembre 2020, de l’initiative de limitation de l’Union démocratique du centre (UDC).

Que ce texte n’avait aucune chance devant le peuple face à une double opposition – la gauche syndicale, refusant le dumping salarial annoncé, et la droite isolationniste, guère encline à confier son destin à des «juges étrangers» – n’avait pas effleuré Bruxelles.

Car, pour rappeler les craintes de la gauche, c’est bien une liquidation des droits sociaux qui était annoncée. L’Union syndicale suisse avait d’ailleurs reçu le soutien amical d’homologues étrangers. La compétence exclusive des cours de justice européennes en cas de litige ne laissait aucun doute sur l’enclenchement de la dynamique: pour des pays voisins, confrontés à des cas de dumping salarial éhonté, c’est bien le principe d’une concurrence libre et non faussée qui a été préféré au principe de la protection des travailleur·euses. Du personnel détaché en Allemagne ou en Autriche en provenance d’ex-pays de l’Est a ainsi pu être exploité. En toute légalité. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg néolibéral qu’est devenu le projet européen. La privatisation des réseaux électriques ainsi que des ex-régies publiques (PTT ou CFF) s’inscrivent dans la même logique antisociale dont les Suisses subissent les effets tous les jours.

La décision du Conseil fédéral n’est que le constat de cet état de fait. Faut-il s’en réjouir, comme le fait l’UDC, ou s’en désoler, comme l’ont claironné les Verts? Il y aura sans doute un prix à payer. En termes de pertes de marchés ou d’accès à certains programmes de formation. Paradoxalement, le coup de tonnerre de mercredi remet une question de fond sur le dessus de la table. Lorsque la facture sera trop lourde à assumer, la question européenne – l’adhésion pure et simple au lieu du bricolage actuel – aura de nouveau droit de cité, alors que, pour l’heure, il s’agit plutôt d’un tabou ou d’un secret de famille honteux.

Opinions Édito Philippe Bach Suisse-UE 

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