Voix sans issue
Après l’Allemagne et l’Italie, l’Espagne. Ces trois pays qu’un sombre passé semblait immuniser voient ressurgir la bête. Dimanche, les xénophobes autoritaires de Vox – Voix – ont remporté 11% des suffrages, plaçant douze élus au parlement d’Andalousie. Une première en Espagne depuis la chute du franquisme.
Au-delà du choc, il faut admettre que l’irruption de Vox était attendue. L’implosion du Parti populaire (PP), naguère monopolistique du centre à l’extrême droite, a rebattu les cartes et ouvert un espace que Ciudadanos (C’s) – aux stratégies mouvantes et au personnel indigent – peine à occuper. Et comme partout, l’impasse des politiques néolibérales et l’absence d’alternative crédible favorisent les discours simplistes tournés contre des boucs émissaires.
Surtout, Vox a profité à plein de la course à l’échalote que se livrent les deux partis conservateurs. Dépassé par sa droite durant la crise catalane, le PP s’est doté d’un patron ultraconservateur, Pablo Casado, n’hésitant pas à monter au front pour défendre le tombeau de Franco. Avec son homologue de C’s, Albert Rivera, ils n’ont eu de cesse de légitimer les discours les plus rances. Vox leur dit aujourd’hui merci.
Le parti de Santiago Abascal pourrait leur renvoyer rapidement l’ascenseur et soutenir un gouvernement de droite plurielle en Andalousie. Car derrière son discours radical – déportation des migrants, interdiction des séparatistes, suppression des autonomies, antiféminisme – son leader n’est pas si éloigné du PP dont il fut un apparatchik. Un «ultra» centralisateur et libéral hier biberonné à l’argent public de la Région madrilène…
Il serait toutefois trompeur de réduire la poussée de l’extrême droite à un phénomène politicien. Le brutal recul du Parti socialiste dans son fief marque aussi son cuisant échec à la tête d’une des régions les plus pauvres d’Europe. Un tiers de la population y vit sous le seuil de pauvreté. En quatre décennies de démocratie, le socialisme andalou – longtemps dominant à Madrid comme à Séville – s’est montré incapable de sortir la région la plus peuplée du pays de son sous-développement.
Plus que la défaite du premier ministre Pedro Sanchez, la perte de la Junta est celle de son ex-rivale Susana Díaz, et la faillite du socialisme affairiste qu’elle représente. Malheureusement, une bonne part de son électorat mécontent a préféré se réfugier dans l’abstention plutôt que d’explorer d’autres chemins à gauche. Un échec que Podemos et ses alliés doivent analyser au plus vite s’ils veulent empêcher que la voie nationale-populiste ne s’impose également en Espagne.