Dénoncer. Encore et encore
La direction du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) se dit sidérée après l’enquête menée par un collectif d’étudiants en médecine qui fait froid dans le dos. Lors de leur stage, des étudiantes subissent des comportements sexistes et du harcèlement sexuel de la part de supérieurs: propos crus, gestes abusifs, dénigrements. L’hôpital annonçait lundi une campagne de sensibilisation et l’ouverture d’une ligne téléphonique pour les victimes. Cela facilitera la libération de la parole, nécessaire au changement. Un bon pas, qui reste pourtant mesuré.
Car l’ouverture d’une ligne téléphonique fait reposer le fardeau de l’action sur les épaules des victimes. Et ne prend pas en compte les enjeux de pouvoir. Dans un univers où la concurrence est rude, où les étudiantes doivent faire leurs preuves lors des stages, où elles ont un chemin davantage semé d’embûches que leurs collègues masculins, combien composeront le numéro d’écoute?
Les actes de harcèlement sexuel ne sont pas des faits malheureux commis par des individus isolés, sur qui une stagiaire aurait eu la malchance de tomber. Pour qu’ils aient lieu, il faut que la culture d’entreprise le permette. Et il est notoire que la médecine est empreinte de paternalisme. Une campagne d’affichage dans les couloirs de l’hôpital suffira-t-elle à faire changer un climat d’entreprise?
Pour être efficace, elle doit être accompagnée de mesures qui visent les mécanismes du harcèlement, qui dénoncent et bannissent le sexisme ordinaire. Toutes les discriminations envers les femmes au travail nécessitent une attention particulière, parce qu’elles rendent légitime un pouvoir détenu par les hommes. Au CHUV, moins de 20% des cadres sont des femmes. A la direction de s’attaquer à la racine du mal.
Enfin, les étudiantes en médecine ne représentent qu’une infime partie du personnel féminin du CHUV. Les autres corps de métiers, à l’instar des infirmières, qui dépendent souvent directement d’un médecin, ont aussi besoin d’être pris en compte dans les mesures de prévention. Et, plus largement, l’ensemble de la population féminine. Car si les discours affirmés et engagés contre les inégalités ne manquent pas, il reste difficile de passer de la parole aux actes. Partout, les inégalités et le sexisme demeurent, poussant des milliers de femmes à défiler dans les rues de Suisse ce week-end. On le souhaiterait révolu. Mais le temps de la dénonciation n’est pas encore passé. Depuis plusieurs mois, de vastes mobilisations ont montré que les femmes ne lâcheront rien de leurs légitimes revendications. Au monde – politique, professionnel, domestique – de les prendre au sérieux.