Fin de partie pour la FIFA?
Les pétrodollars n’allèchent pas que les politiciens genevois. La méga-enquête des Football Leaks, égrenée ce week-end dans la presse européenne, souligne une nouvelle fois comment les monarchies absolues de la Péninsule arabique font, petit à petit, main basse sur le business stratégique du ballon rond, avec la complicité hypocrite de ses instances.
On savait que le Qatar s’était offert son Mondial 2022 rubis sur l’ongle – au point d’ulcérer son concurrent étasunien et de provoquer, après intervention du FBI, la chute des dirigeants des fédérations internationale (FIFA), Sepp Blatter, et européenne (UEFA), Michel Platini. On a désormais confirmation que le nouvel homme fort de la FIFA n’est pas moins malléable. Selon les enquêteurs ayant épluché les fichiers tombés en mains du Spiegel, le Suisse Gianni Infantino, ex-bras droit de Platini, manœuvrerait pour que deux nouvelles compétitions lucratives, le Mondial des clubs et la Ligue des nations, reviennent à un consortium contrôlé par l’Arabie saoudite. Une opération dont on ne sait plus s’il faut la qualifier de privatisation partielle de la FIFA – débutée sans aucun appel d’offre – ou de nationalisation…
Et la liste des anomalies constatées dans la gestion de M. Infantino ne s’arrête pas là. Le dossier publié par nos confrères du Matin Dimanche se lit comme un roman d’espionnage, entre pressions sur la commission d’éthique, échange présumé de faveurs avec un procureur valaisan, partialité dans l’attribution du Mondial 2026 et décapitation d’une commission d’enquête. Sans oublier le retour des vieilles pratiques clientélistes chères à son prédécesseur.
Mais la révélation qui pourrait vraiment mettre le feu au footbusiness concerne ledit «Fair Play financier». Instauré en 2010 par l’UEFA (sous la présidence de Michel Platini), ce mécanisme oblige les clubs à maintenir un certain équilibre entre leurs recettes réelles et leurs dépenses. L’objectif étant que des investissements à fonds perdus ne provoquent pas une bulle spéculative voire des phénomènes de prédation. Avantage annexe: ce frein dissuade des capitaux douteux et des intérêts purement politiques de prendre le contrôle du secteur.
Or, il apparaît que M. Infantino est intervenu personnellement pour éviter que le Paris-St-Germain et Manchester City, têtes de pont du Qatar et des Emirats arabes unis, ne soient sanctionnés… Avec un tel arbitre, la fin du match paraît malheureusement inéluctable pour les fédérations sportives, bien trop cupides pour imposer leur gouvernance et un minimum d’intérêt commun face aux géants du footbusiness.
Quant à la Suisse, dont la justice aurait dû se porter garante des bonnes pratiques des fédérations qu’elle héberge, elle est une nouvelle fois prise en défaut. La routine.