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Foot business sans filet

Foot business sans filet
Cristiano Ronaldo en 2016. KEYSTONE/ARCHIVES
Football Leaks

A côté du tsunami qui avait secoué la planète lors du congrès 2015 de la FIFA, le «Football Leaks» révélé depuis vendredi par un pôle de médias européens (EIC) ne provoque qu’une très modeste vaguelette. Visiblement, il est plus délicat de toucher aux stars du ballon rond et au business de leurs employeurs que de se payer un bouc émissaire fédératif. Or, nous l’avions écrit alors, la chute de Sepp Blatter n’avait aucune chance de laver un «système foot» à la pointe de la mondialisation.

Pas plus que les «Panama Papers», la méga-fuite exploitée par El Mundo, Der Spiegel ou encore Mediapart ne dévoile de grands secrets. Depuis les condamnations de Barcelone et de sa vedette argentine Leo Messi pour fraude fiscale, les mécanismes de celle-ci sont connus jusque dans le grand public: la valeur des joueurs étant très relative, il est aisé de saucissonner discrètement les sommes versées lors des transferts, histoire d’abuser le fisc. Ou a contrario, les transactions sont surévaluées, afin de blanchir quelque argent sale au passage.

Le grand mérite du déballage actuel est de confirmer l’ampleur du phénomène. Pas un lauréat potentiel du Ballon d’or 2016 n’échappe désormais à l’accusation de fraude.

L’affaire Cristiano Ronaldo, révélée ce week-end, vient mettre en lumière une autre combine: le saucissonnage des salaires, dont une part – découlant du «droit à l’image» – est versée à des sociétés pratiquant l’optimisation fiscale. Avec la seule star portugaise du Real Madrid, le fisc espagnol aurait ainsi perdu la trace de 149,5 millions d’euros en sept ans!

A la manœuvre, les clubs décidés à acheter des joueurs à moindre frais ou à attirer des capitaux douteux: en Grande-Bretagne, selon le site theoffshoregame.net, près de la moitié des investissements réalisés dans les clubs provient de sociétés basées dans des paradis fiscaux. Mais aussi des intermédiaires – agents de joueurs et sociétés ad hoc – qui offrent toutes sortes de services financiers, contre des commissions, elles aussi, bien souvent opaques. Le tout avec la complicité des techniciens – managers et entraîneurs – indispensables pour mettre en valeur de si beaux investissements.

Avec 3,6 milliards d’euros dépensés en 2014 sur le marché des transferts et 9,9 milliards versés à titre de salaires, on peut arroser très large. Cité cet été par France Télévisions, l’ancien agent de joueur Patrick Mendelewitsch estimait que «90% des transferts [sont] pipés».

En 2009, le très sérieux Groupe intergouvernemental d’action financière (GAFI) mettait déjà en garde contre le rôle grandissant des paradis fiscaux et des agents de joueurs dans le business sportif. Sept ans plus tard, malgré des efforts réels entrepris par les limiers des fiscs allemand et espagnol, aucune régulation, aucune opération de nettoyage des stades n’est au programme. S’il peut craindre pour son pain, l’Européen n’a, en revanche, aucun souci à se faire pour ses jeux.

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