Égalité

Norme, en ton nom…

Norme, en ton nom…
Près de 2% de la population présente une variation du développement sexuel, qui peut prendre des formes très diverses; certaines sont immédiatement visibles, d’autres le seront plus tard, ou jamais (photo prétexte). KEYSTONE
Intersexuation

Elles ont la vingtaine et elles témoignent avec pudeur mais vigueur du traumatisme subi. Nées avec des organes sexuels différents des autres – trop petits, trop grands, mâles et femelles à la fois –, elles ont été opérées enfant pour être assignées au sexe qui semblait le plus probable. Si l’on considérait alors ce geste comme la meilleure façon de régler le problème de l’intersexuation – l’«hermaphrodisme» d’autrefois –, on sait aujourd’hui qu’il n’en est rien, au vu de la complexité du développement sexuel et des souffrances que ce geste implique. On sait aussi qu’il sert à répondre davantage au diktat social de la normalité qu’à une véritable nécessité médicale.

La violence commise au nom des normes, les personnes homosexuelles ou transgenres la connaissent bien, elles qui tentent depuis longtemps d’ébranler la classification binaire du sexe et de l’identité de genre. Cette bicatégorisation mâle-femelle, l’intersexuation vient aujourd’hui la questionner dans son assise prétendument biologique: en réalité, il existe des dizaines de variations possibles du développement sexuel, et chacun d’entre nous est plus ou moins homme ou plus ou moins femme. Cette vérité biologique influence le processus de sexuation comme l’identité de genre.

Dans nos sociétés fondées sur la binarité sexuelle – de surcroît hiérarchisée –, de telles variations du développement sexuel provoquent encore la sidération, la honte et le rejet. D’autres cultures, notamment africaines, disposent de concepts et d’une force symbolique capables de penser un humain moins normé. Peu à peu, nos collectivités évoluent pourtant. Aujourd’hui, l’assignation sexuelle précoce, notamment, est devenue incompatible avec les droits fondamentaux individuels. C’est grâce à la courageuse prise de parole des victimes, qui ont osé revendiquer leur altérité: «Nous sommes tous différents!» Clamée par des personnes qui l’ont appris à leurs dépens, cette phrase n’a rien d’un simple slogan: elle est un magnifique manifeste pour des sociétés plus humaines.

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