Parfois, se mobiliser paie
Une bonne nouvelle. Le Conseil fédéral a annoncé mercredi qu’il renonce à libéraliser l’ordonnance sur le matériel de guerre. Rappelons que l’exécutif suisse voulait autoriser l’exportation d’armes vers des pays en conflit armé interne. Ce que le droit actuel proscrit.
Ce projet avait provoqué – c’est le cas de le dire – une levée de boucliers. Une alliance de différents mouvements pacifistes ou d’Eglises a tapé du poing sur la table. Avec la menace du lancement d’une initiative populaire d’ores et déjà rédigée et déposée à titre préventif à la Chancellerie.
Visiblement, la mobilisation a payé. «La pression extérieure a joué un rôle», a admis Johann Schneider-Ammann, même si dans le jargon fédéral cela se dit de manière différente: «La réforme ne bénéficie plus du soutien politique nécessaire.» Pour une fois que la vox populi a pu se faire entendre face au lobby de l’armement qui avait initié cette cynique libéralisation avec le soutien de ses parlementaires stipendiés, ne boudons pas notre plaisir.
Il est vrai que le jusqu’au-boutisme des autorités fédérales devenait intenable. Avec la découverte d’armes bien suisses utilisées sur des champs de bataille divers, alors qu’elles étaient censées rester bien au chaud dans leur fourreau. Les fusils d’assaut suisses apparus au Yémen étant la dernière bavure en date. A l’heure où certains de nos bons clients démembrent tranquillement un journaliste, cette position cynique choque. La question ne concerne d’ailleurs pas que la Suisse. De fait, l’Allemagne a suspendu les ventes d’armes après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. La France, en revanche, a estimé par la voix de son représentant de commerce, Emmanuel Macron, qui nous émerveille à chacune de ses sorties, qu’un tel embargo serait «démagogique».
Ce qui pose la question du suivi de ce dossier. L’ordonnance en question avait déjà été plus qu’assouplie en 2014. On voit qu’outre le fait que cela constituait une violation crasse des promesses faites au peuple cinq ans auparavant pour contrer une initiative du Groupe pour une Suisse sans armée, cela a ouvert la porte aux dérives qui mettent aujourd’hui à mal l’image de la Suisse comme pays des droits humains.
Un retour au statu quo ante, une interdiction des exportations vers les pays qui violent de manière grave et systématique les droits humains, aurait le mérite de la simplicité, de la clarté et donc de l’efficience. Mieux: confier au parlement le soin de régler ces questions permettrait de réintroduire de la transparence démocratique dans un dossier qui en manque cruellement. Pas en raison d’une sagesse particulière des députés mais bien parce que cela ouvrirait la voie aux instruments de la démocratie semi-directe. Celle-là même qui a su se faire entendre.