Tamedia: le bulldozer en action(s)
Le remplacement immédiat de Pierre Ruetschi à la tête de la Tribune de Genève laisse une rédaction sidérée. Tamedia affirme que la décision a été prise d’un commun accord – une formule qui ne trompe personne. Ce limogeage intervient dans un climat de conflit social extrêmement dur entre le groupe et ses journalistes. La direction ne veut plus de résistances, elle cherche à imposer la discipline pour qu’enfin la fusion entre ses titres (habituez-vous à entendre parler de la «Rédaction T», qui regroupe la Tribune de Genève, 24 Heures et le Matin dimanche) soit appliquée sans que personne ne renâcle.
Il y a pourtant de quoi, face au bulldozer Tamedia qui se justifie par les attentes de ses actionnaires, dont une bonne partie est de la famille de Pietro Supino, patron du groupe. Des choix tournés vers le profit à court terme, qui s’avèrent parfois aberrants même en respectant une logique purement économique.
Le malaise est patent. Chaque restructuration a amenuisé les réserves et tiré la qualité vers le bas, sapant les efforts du personnel qui se bat pour bien faire son travail en dépit de la démotivation induite par ces stratégies délétères. Situation similaire à celle de l’ATS, où plus de vingt démissions ont suivi les licenciements. Les groupes ont parfois dû rappeler à la rescousse des employés remerciés. Ambiance.
Pendant ce temps, on casse du journaliste. Cette «gestion» est parvenue à dégoûter des confrères et consœurs passionnés par leur métier, des personnes dont la vocation était de chercher les vérités enfouies, d’informer le public, de ne jamais lâcher prise. Beaucoup ne tentent même plus de se recycler dans la profession, et se reconvertissent dans des domaines éloignés. «Vous avez bien sûr la possibilité de suivre d’autres chemins si vous ne croyez pas en l’entreprise», leur jette Tamedia à la figure. La politique de la terre brûlée a une limite: il ne restera bientôt plus rien à carboniser. I