Chroniques

Cons, salauds, et compagnie

A rebrousse-poil

 

–Mort aux cons!
Apostrophé de la sorte au cours d’un bain de foule par un opposant furibard, le général de Gaulle aurait laissé tomber, du haut de son mètre nonante-deux:
– Vaste programme…
Puis il aurait tranquillement poursuivi sa route.

Mort aux cons? Loin de moi l’idée de souhaiter la mort de quiconque. Et, la peine capitale ayant été abolie dans les pays civilisés, il n’est pas question de réclamer une telle condamnation, même pour le pire des criminels. Donc, mort à personne.

Ce qui n’empêche pas que le quidam ordinaire – dont je suis – peut souvent rêver à un châtiment pour nombre d’individus. Pour les cons? Il faudrait d’abord définir ce que c’est.

Le début est facile: c’est un idiot, avec en plus une certaine obstination, une persévérance dans la bêtise. Mais ensuite, quels sont, diable, les critères qui permettent de décréter qu’untel fait partie de cette grande famille? On nage là dans la subjectivité la plus complète! Chacun a ses propres cons, rangés dans cette catégorie à la suite d’un jugement tout à fait personnel. Par exemple, et en toute modestie, je suis le con de pas mal de gens. Ce qui me laisse complètement indifférent, puisqu’ils en sont eux-mêmes. Du moins, de mon point de vue.

Bref, réclamer une punition pour les cons n’est pas raisonnable. La notion est trop floue, et nous sommes trop nombreux. De plus, le con n’est pas malveillant, ou si peu! S’il fait le mal, c’est par inadvertance, et plutôt que l’aversion, il inspirerait presque la pitié. Pauvre con, pauvre type…

Il en va tout autrement du salaud, qui, à la connerie, ajoute la méchanceté! Pour servir son propre intérêt, le salaud n’hésite pas à nuire. Il fait le mal, il le sait, mais la souffrance d’autrui n’est rien pour lui, seule compte sa petite personne.

Des salauds, il y en a de tout poil et de toutes envergures, de celui qui arrache le sac de la vieille dame au fabricant de pesticides, du petit délateur au chef d’Etat corrompu, de l’escroc de bas étage au grand spéculateur. L’Histoire en est remplie, et s’il y a une espèce qui n’est pas menacée d’extinction, c’est bien celle-là.

Au fil du temps, fort heureusement, les sociétés humaines ont inventé des garde-fous pour limiter la capacité de nuisance de ces personnes. Elles ont édicté des lois. Pour qu’elles s’appliquent, le supposé malfaiteur sera traîné devant un tribunal, qui rendra un jugement, ouvrant la porte, parfois, à une condamnation. Pas question, donc, dans nos contrées, d’emboîter le pas de forcenés qui hurleraient: «La prison pour Machin!» ou «Le cachot pour Chose!» Non. Laissons la justice faire sereinement son travail, en espérant qu’elle le fera bien. Faisons-lui confiance…

Mais il n’est pas contre-indiqué d’insister fermement pour que certains d’entre ces présumés coupables, susceptibles de lui échapper, soient soumis, justement, à la justice des hommes!

Laissons bien sûr de côté les infimes salauds du quotidien. Les autres sont suffisamment nombreux, où que l’on se tourne sur la planète. Et arrêtons-nous sur les pires d’entre eux, les possiblement coupables de crimes contre l’humanité.

Parmi eux…

…Il arrive que l’écœurement soit sans limites, qu’il n’y ait plus de termes pour signifier l’indignation. Dans Libération vient de paraître un nième témoignage des atrocités (et c’est un mot infiniment faible) commises dans les prisons syriennes1>www.liberation.fr/planete/2018/08/12/torture-en-syrie-la-mort-pour-dessein_1672319. Comment un humain, comment un chef d’Etat peut-il tolérer, ordonner, de telles horreurs? Tout en gazant et massacrant son peuple? Comment peut-il vivre, dormir?

Qu’il me soit donc permis, puisque nous vivons dans un pays de libre expression, de demander solennellement, après tant d’autres, que celui qui restera dans l’Histoire sous le nom de «Boucher de Damas», le président Bachar el Assad, n’ait pas d’autre perspective d’avenir que d’être déféré à un tribunal international. Et que l’on n’ait de cesse avant que son procès ait lieu.

Il n’est qu’un salaud parmi tant d’autres? Oui.
Le mettre en cause ici ne sert à rien? Peut-être.
Mais il faut le faire.

 

*Dernier roman: Retour à Cormont, chez Bernard Campiche Editeur.

Opinions Chroniques Michel Bühler A rebrousse-poil

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lundi 8 janvier 2018

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