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Lacunes dans le travail de mémoire

Ivar Petterson rappelle que dans le passé de la Croatie il n’y a pas seulement eu des fascistes, mais aussi des résistants.
Histoire 

L’article paru dans La Liberté et Le Courrier du 13 juillet laisse penser que seule la Croatie a connu un passé fasciste. Ceci est inexact. Chaque pays conquis par le IIIe Reich a connu à la fois des collabos et des résistants. Tito était croate comme l’était une grande partie des partisans antinazis durant la Seconde Guerre mondiale.

L’auteur évoque une résurgence du fascisme en Croatie, mais ce phénomène touche tous les pays européens. Il ne faut donc pas se focaliser sur la seule Croatie en affirmant que «la Croatie fasciste s’est dé-marquée en mettant en place ses propres camps de concentration». En effet, le régime fasciste serbe du général Milan Nedic, sous occupation nazie, a organisé des camps de concentration qui ont fait 167 000 victimes dont environ 15 000 Juifs (le nombre varie selon les sources). Les nazis allemands ont ainsi déclaré la Serbie le 1er pays «Juden Frei». La Serbie a par ailleurs restitué à la communauté juive en mars 2016 des biens confisqués.

Malgré le nombre important de victimes juives, que ce soit opposants et partisans, ces faits ne sont pas reconnus par les autorités serbes et peu connus dans le monde francophone.

Par contre, le camp Oustachi croate de Jasenovac a fait l’objet de visites et d’études, déjà dans la période titiste. Deux historiens, le Serbe Bogoljup et le Croate Vladimir Zerjavic estiment, parmi les nombreuses victimes du camp, le nombre de victimes serbes s’élève à environ 550 000.

S’il y a effectivement, comme le relève l’auteur, des lacunes dans le travail de mémoire durant la période titiste, c’est probablement aussi du fait que l’Armée yougoslave, issue des partisans, a massacré sans jugement entre 50 000 et 100 000 Oustachis et membres de leurs familles vers Bleiburg, un village à la frontière de la Slovénie et de l’Autriche.

Tito a donc voulu se concentrer sur la construction du socialisme et faire «table rase» du passé. Or, si les crimes ne sont pas dénoncés, il y a de forts risques de récidive: des milliers de Bosniaques ont ainsi été massacrés en 1992 lors de l’offensive des forces serbes dans la vallée de la Drina, à Foca et Visegrad, dans les mêmes lieux où des massacres ont été commis par les Tchetniks serbes en 1943.

Le monastère orthodoxe de Zitomislic (sud de Mostar) a aussi été victime de ce phénomène de répétition, entièrement détruit par les Oustachis en 1942 et en 1992.

L’auteur écrit: «A la fin de la guerre, la Croatie est absorbée par la Yougoslavie.» En fait, au cours des réunions qui ont lieu dans deux villes de Bosnie libérées par les partisans (Bihac et Jajce), il y a eu élaboration de la Yougoslavie socialiste sur la base de six Républiques: Serbie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Slovénie, Monténégro et Macédoine.

Ivar Petterson, Solidarité Bosnie, Genève

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