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Est-ce inscrit dans les gènes?

Est-ce inscrit dans les gènes?
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C’est un débat récurrent depuis plus de vingt ans: les mannequins sont trop maigres et elles en meurent parfois. Les différents acteurs du milieu se renvoient la responsabilité pour cette esthétique de créatures sous-alimentées. Une loi est-elle nécessaire? Et alors, comment l’appliquer? L’an passé Madrid et New York ont pris des mesures lors de défilés importants. En France, les mannequins devront à l’avenir fournir un certificat médical prouvant qu’elles ne sont pas trop maigres et les photos retouchées devront le mentionner.

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Un avertissement écrit comme: «cette image a été digitalement retouchée» rappelle la liste d’ingrédients figurant sur un produit et qui sert aux personnes qui veillent à la qualité de leur alimentation. Toutefois, différentes études font ressortir que de tels messages n’ont apparemment pas d’effet sur notre façon de voir les photographies1>Tiggemann et al., 2017; Paraskeva, Lewis-Smith, Dietrichs, 2017 . De toute façon, consciemment ou non, nous avons déjà ingéré l’information visuelle. On peut renoncer à un produit et le reposer, mais les images s’infiltrent en nous immédiatement. L’information écrite pourra par contre alimenter nos réflexions. De plus, Promotion Santé Suisse souligne que «l’éducation à l’image sert de filtre protecteur», renforçant l’image de soi, qui est un pilier de la santé et du bien-être.

Jusqu’au succès de Twiggy et autres adolescentes au poids plume vers 19702>Sur Twiggy, voir https://dailym.ai/2tMKsVl les mannequins étaient des femmes d’intérieur adultes. En presque cinquante ans, notre regard s’est habitué aux mannequins filiformes. Les personnes plus enrobées n’ont pas encore la cote ni les rares seniors de tous styles. Alors explorons les expressions et les postures récurrentes de ces silhouettes brindilles. La majorité se tient voûtée, contorsionnée, cambrée, à quatre pattes, assise ou couchée, et les pieds en dedans sont aussi fréquents que les expressions hébétées ou boudeuses. L’imagerie de mode contient de nombreuses typologies allant du luxe à l’ethno, en passant par les garçonnes, les cadres, les orgasmiques et les sportives. Mais les mi-ados, mi-femmes et celles qui posent affaiblies ou très pâles semblent être les descendantes directes des femmes-enfants, des nymphes cambrées et des alanguies souffrantes de l’art et de la littérature du XIXe siècle, personnages si finement répertoriés par Bram Dijkstra.

Au XXIe siècle, les postures corporelles qui peuplent l’univers de la mode continuent à nous suggérer que les femmes et les hommes ne peuvent pas se tenir de la même façon, qu’ils ne sont pas tout à fait de la même humanité. Alors pour élargir nos perspectives et nos choix, rendez-vous la semaine prochaine.

 

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Médiatrice socioculturelle et responsable de projets à la fondation images et société, www.imagesetsociete.org

Opinions Chroniques Eva Saro

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mardi 3 juillet 2018

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