Suisse

Une coalition de raison

Une coalition de raison 1
Les masques représentant Ueli Maurer et Ignazio Cassis lors d'une action organisée par le GSsA et des groupes parlementaires romands. KEYSTONE
Matériel de guerre

Le pape François reparti, son message en faveur d’une Suisse œuvrant activement pour la paix et la résolution des conflits s’estompe devant la réalité crue. Derrière la bienveillance de façade, le Conseil fédéral se montre bien plus sensible aux désirs de l’industrie de l’armement.

L’intense lobbying de cette dernière a obtenu, à la mi-juin, l’assouplissement des exportations de matériel de guerre vers les pays en conflit interne. Ceci alors que la Suisse en vend déjà à la Turquie de l’autocrate Erdogan – sorti renforcé de l’élection du week-end – ou à l’Arabie saoudite coupable de crimes de guerre au Yémen. L’arrivée du très libéral Ignazio Cassis à la place de Didier Burkhalter – plus soucieux des droits humains et fermement opposé à l’assouplissement – a en effet fait basculer la majorité au sein du collège gouvernemental.

Une révision d’ordonnance excluant un référendum, les opposants ont dû trouver la parade. Et c’est un large front qui se mobilise pour agir au niveau des parlements cantonaux. A Genève, un projet de résolution des Verts appuyé par la gauche a déjà été adopté, qui invite le Conseil fédéral à renoncer à sa décision. Une démarche similaire est engagée dans le canton de Vaud, avec l’appui de députés centristes et libéraux humanistes. D’autres suivront ailleurs.

Car il en va de la dignité de la Suisse mais aussi de sa responsabilité internationale, qui exige de la cohérence. Comme le soulignait récemment le conseiller national Carlo Sommaruga (PS) sur le plateau de la RTS, abaisser pareillement les exigences en matière de ventes d’armes porte atteinte non seulement à «l’âme humanitaire» de la Suisse, mais aussi à sa capacité de médiation. Or la politique des bons offices est indispensable à son rayonnement international. Cet argument-là, contrairement à celui touchant à l’immoralité du commerce d’armement, présente l’avantage de s’adresser à toutes les sensibilités politiques, y compris bourgeoise.

Derrière la constitution d’une coalition allant jusqu’à certains éléments du centre-droit, il y a bien sûr la menace du GSsA et de son initiative «Pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre», déposée la semaine dernière à Berne. Au-delà de ces calculs stratégiques, dont on ne se plaindra pas en l’occurrence, il convient aussi de présenter un plan en béton, avec aides publiques, pour engager la nécessaire reconversion de l’industrie d’armement vers une production civile.

Suisse Roderic Mounir Matériel de guerre

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