La visite du pape à Genève, jeudi, a produit deux images fortes. La première, des métropolites, pasteurs, prêtres et cardinaux réunis au Conseil œcuménique des Eglises recevant le pape à l’occasion de leur 70e anniversaire. L’autre, une messe catholique fervente, mais où s’exprime l’une des impasses du dialogue œcuménique: pour le Vatican, les protestants n’ont rien à faire à la table de l’eucharistie. Bien des voies, notamment théologiques, ont déjà été esquissées, mais certains obstacles semblent indépassables. De toutes les avancées espérées à l’occasion de la venue du pape (rapprochement du COE, reconnaissance des ministères, etc.), aucune n’a même été suggérée.

Dans les faits, les Eglises protestante et catholique, pour ne citer qu’elles, œuvrent très souvent ensemble. C’est le cas au niveau local, où la diaconie est très souvent œcuménique, c’est le cas à plus large échelle, quand la communauté catholique San Egidio établit ses couloirs migratoires avec l’appui de l’Eglise vaudoise du Piémont, protestante. C’est aussi le cas dans divers pays où le lien entre les Eglises peut contribuer à faire évoluer des situations politiques bloquées, rappelle le Conseil œcuménique des Eglises.

La rhétorique de la visite du pape fut celle de la marche, une approche qui peut à la fois permettre de dynamiser l’Eglise et d’éviter les enlisements et affrontements doctrinaux. Face à ces blocages, réguliers et lassants, la stratégie est intéressante. Elle ouvre sur une reconnaissance réelle de l’autre, et quelle que soit sa croyance: car «marcher demande le souci des compagnons de voyage, explique le pape, et demande l’humilité de retourner sur ses propres pas». L’humilité, c’est pourquoi tant de croyants aiment ce pape, la messe l’a confirmé une fois de plus.

Si les gestes prophétiques espérés n’ont pas eu lieu, le pape n’a pas manqué de fustiger à son habitude l’égoïsme et le consumérisme, qui étouffent l’humain et la planète. Ces dénonciations sans relâche rendent leurs lettres de noblesse à la foi en l’humanité.