Enfin!
La lente agonie du gouvernement du Parti populaire espagnol (PP) touche à sa fin. Une motion de censure socialiste, appuyée par la gauche et la plupart des partis régionaux, lui portera l’estocade aujourd’hui et mènera le socialiste Pedro Sanchez à La Moncloa. Une issue attendue depuis le 24 mai, lorsque la Cour de justice saisie de l’affaire Gürtel a condamné le parti de Mariano Rajoy pour avoir mis en place, dès 1999, un «système de corruption institutionnel» englobant les niveaux national, régional et municipal!
Sans surprise, le président s’est accroché jusqu’au bout à son poste. Que le PP soit la première formation au pouvoir condamnée pour trafic d’influence, que sa victoire électorale de 2011 ait été financée par de l’argent sale, ou que M. Rajoy soit nommément cité comme bénéficiaire de la comptabilité occulte du parti, rien ni personne ne pouvait convaincre le Galicien de démissionner.
Sa défense, hier au parlement, fut symbolique du cynisme endémique de cette formation, qui préféra jeter de la boue sur tous – sur le thème de «vous êtes tout aussi pourris» que nous – plutôt que de se retirer dans un dernier sursaut de dignité. Une attitude dans la droite ligne de ses manœuvres systématiques d’entrave à la justice, dont l’inhabilitation du juge Garzón, détonateur de l’affaire Gürtel, n’est que la plus connue.
Conforté par un électorat pour le moins compréhensif, M. Rajoy s’est longtemps défendu, en assurant que les affaires dataient de son prédécesseur à la tête du PP. C’est partiellement vrai. Ainsi l’exécutif que dirigeait en 2002 José Maria Aznar a la particularité de dénombrer douze ex-ministres inculpés ou condamnés pour des affaires financières sur les quatorze que comptait le cabinet! Probablement un record mondial. Reste que, durant l’ère Rajoy, les scandales n’ont jamais cessé. De Murcie à Madrid en passant par Valence, Leon ou la Galice, des figures du PP tombent avec la même régularité.
Pourquoi, dès lors, avoir attendu si longtemps pour faire chuter un gouvernement devenu minoritaire en 2016? Un coup d’œil aux sondages vaut toutes les analyses: la montée en flèche de Ciudadanos, sorte d’En Marche espagnol surfant sur le climat anticatalan, a certainement convaincu les patrons espagnols de lâcher le carbonisé Rajoy pour son jeune clone, Albert Rivera. En estimant qu’un exécutif transitoire mené par Pedro Sanchez ne représenterait pas un gros risque.
Le socialiste et ses alliés de circonstance – dont Unidos Podemos – peuvent-ils faire mentir l’augure? S’il faudra davantage qu’un changement de tête à La Moncloa pour sortir la politique espagnole de l’affairisme, il n’est jamais trop tôt pour commencer.