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«Balle perdue»

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Des manifestations de soutien en faveur de la famille de Mawda se sont tenues dans différentes villes d'Europe, notamment ici à Bruxelles, devant le palais de justice. BERTRAND VANDELOISE/CC
Réfugiés

On sait que pour les réfugiés arrivés en Europe, le parcours est semé d’embûches. Pour Mawda, fillette de 2 ans, ce parcours a été brutalement interrompu vendredi dernier à la hauteur de Mons, en Belgique, d’une balle dans la tête. Pardon, «dans la joue», comme l’expliquait le parquet à la suite du drame, évoquant une «balle perdue» tirée en direction du chauffeur. Qu’importe, le résultat est le même. Mawda se trouvait à bord d’une camionnette qui emmenait une trentaine de Kurdes en France et qui a été poursuivie sur des dizaines de kilomètres par plusieurs voitures de police. Ses parents étaient également à bord mais n’ont pas été autorisés à accompagner leur fille dans l’ambulance et ont été informés de son décès alors qu’ils étaient détenus en cellule.

La fillette née en Allemagne de parents originaires du Kurdistan irakien a été enterrée hier près de Mons. Triste parcours européen, à la hauteur des tragédies quotidiennes sur notre continent soumis aux accords de Schengen-Dublin. En 2015, le monde s’offusquait du décès du petit Aylan sur une plage de la Méditerranée. Combien d’enfants sont, depuis, morts des suites de la politique migratoire européenne? Nos frontières tuent, et des centaines de personnes à travers la Belgique ont manifesté mercredi leur indignation, exposant des vêtements d’enfants en signe de deuil. Sur les réseaux sociaux, le mot-clé #Justice4Mawda rassemble les appels à tirer toutes les leçons du drame, à rendre des comptes. Première visée: la rhétorique déshumanisante, dénigrant les réfugiés et les assimilant à des criminels. Face à une camionnette remplie de migrants, les forces de l’ordre se sentent légitimes à ouvrir le feu. Et même sans tirs, des drames surviennent: le 17 avril, quatorze migrants ont été blessés – dont cinq grièvement – dans une course-poursuite avec la police belge, vers Nivelles.

Le ministre belge de l’Intérieur, le nationaliste Jan Jambon, a pourtant rejeté la faute du décès de Mawda sur les passeurs, déplorant que «le trafic d’êtres humains prospère». En omettant soigneusement de rappeler que ce trafic prospère d’autant mieux que les barbelés se hérissent. L’«incident» de vendredi s’ajoute aux 636 décès de migrants en mer répertoriés depuis le début de l’année. Justice pour Mawda. Et pour les autres?

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