Droit à la reinsertion, mais pas à l’oubli
N’étant ni fan ni amateur des textes de Cantat, je considère que les manifestants contre la venue de ce chanteur à Lausanne (Le Courrier du 19 avril) se trompent sur la manière de dénoncer le crime commis par celui-ci. Si je partage entièrement l’occasion de dénoncer «la banalisation des violences faites aux femmes», un slogan comme «Cantat assassin, spectateurs complices» est parfaitement incompréhensible et totalement contre-productif.
Les auditeurs de Cantat ne sont nullement complices d’un crime qu’il a commis. Par contre, comment peuvent-ils encore écouter Cantat, comment peuvent-ils appréhender ses textes? Comment peuvent-ils encore regarder ce personnage comme une source d’inspiration ou de poésie? C’est plutôt sous cet angle qu’il faudrait dénoncer Cantat et ses apparitions, et interpeller son auditoire. Le droit à la réinsertion n’équivaut pas au droit à l’oubli, car son crime n’est pas une opinion parmi d’autres ou une forme d’expression discriminée. Il reste un acte de barbarie, dont il semble avoir perdu la réalité.
Les représentations de Cantat, puisqu’il considère que ce business est toujours d’actualité, doivent mettre en évidence l’actualité des violences et des crimes commis contre les femmes dans notre société. Dénoncer leur ampleur, leur fréquente impunité. Boycotter et appeler à boycotter de tels événements peuvent faire partie d’une mobilisation féministe. Par contre, assimiler tout son public à des complices me semble erroné. La passivité et l’inaction sont certes critiquables. Mais à ce moment-là, tout le monde peut être stigmatisé devant le manque (ou le peu) de réactions devant toutes les horreurs quotidiennes. La prise de conscience et l’engagement ne sont pas la conséquence d’une culpabilité exacerbée.
José Sanchez, Neuchâtel