Massacre annoncé le 15 mai
Tirer à balles réelles sur des civils sans défense. C’est depuis quatre semaines la mission hebdomadaire des soldats israéliens à la frontière avec Gaza. Face à plusieurs dizaines de milliers de manifestants palestiniens pacifiques, réclamant le droit au retour dans les territoires dont leurs grands-parents ont été chassés, l’Etat hébreu a choisi la manière forte, en violation du droit humanitaire international. Bilan: déjà 37 morts, dont quatre mineurs, un journaliste, et près de 1700 blessés par balle. Du jamais vu selon le personnel hospitalier de Gaza: les genoux seraient systématiquement visés, avec, parfois, ce qui ressemble à des projectiles explosifs, occasionnant le plus de dégâts possibles.
Des tireurs d’élites et des vétérans israéliens de l’ONG Breaking the Silence témoignent: «Pas un soldat israélien n’a eu à subir la moindre égratignure à cause de ces protestations qui se déroulent à 300, voire à 500 mètres de la barrière. Non seulement ces hommes, ces femmes et ces enfants désarmés ne représentent aucune menace contre la sécurité d’Israël, ils ne menacent même pas la sécurité des soldats qui sont postés de l’autre côté», assurait l’ancien soldat Nadav Weiman dans Le Temps du 13 avril dernier.
Vendredi encore, 156 autres Palestiniens ont été touchés par balles, dont quatre ont perdu la vie. Seul le représentant de l’ONU sur place, le Bulgare Nikolay Mladenov, s’indigne. La communauté internationale, dans son ensemble, s’est contentée de demander une enquête internationale sur les évènements. Face au refus attendu d’Israël, aucune mesure n’a été prise. La Suisse, qui maintient également des accords économiques et militaires privilégiés avec Israël, s’abstient de toute condamnation.
Dans nombre de médias européens ces crimes de guerre commis par l’armée israélienne sont même cautionnés par certains journalistes, experts contorsionnistes en tous genres. A l’image de Bernard Guetta, sur France Inter, qui ose après la première semaine de mobilisation: «Si les autorités israéliennes se contentaient de lacrymogènes et de balles en caoutchouc, elles risquaient qu’il y ait beaucoup plus de gens qui s’approchent de la frontière (dans les prochaines semaines, ndlr) et essaient même de la franchir, il n’y aurait alors pas eu seize morts, mais un bain de sang d’une tout autre ampleur qui pouvait embraser la Palestine.» Des justifications écœurantes que l’on retrouve à l’envi, accusant le Hamas de manipulations.
A l’heure où il faudrait se réjouir que les Palestiniens renforcent leurs stratégie de luttes non violentes, suivant la voie de Gandhi et de Martin Luther King, et renoncent aux abominables attentats suicides, l’Occident poursuit son soutien aveugle à Israël, quitte à cautionner des crimes de guerre. L’occasion d’un changement est pourtant belle. A défaut, c’est à une complicité de massacre de grande ampleur qu’on s’expose le 15 mai prochain, jour commémoratif de la Nakba (la «catastrophe») palestinienne, et de la proclamation de l’Etat d’Israël en 1948.