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Discriminations ethniques sur le marché de l’emploi

Porter un nom à consonance étrangère équivaut à cinq fois moins de chances d’être embauché-e. Problème de société majeur, l’exclusion du marché du travail suisse et genevois des résidants légaux non nationaux a fait l’objet d’une récente journée d’études à l’université de Genève. Retour.
Intégration

L’exclusion du marché de l’emploi suisse des résidants légaux non nationaux qualifiés, en particulier originaires d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, doit être reconnue comme un problème d’intérêt public majeur. Cette question nécessite l’élaboration par les milieux politiques, économiques et la société civile de solutions novatrices conjointes pour le bien de la collectivité. Les remèdes passent autant par des mesures ciblées sur le marché de l’emploi, que par un travail en profondeur sur les représentations des acteurs socioéconomiques. Ce travail doit s’effectuer dans le contexte plus large de la prévention du racisme et des discriminations. Telles sont notamment les conclusions d’un colloque tenu samedi 7 avril à l’université de Genève. Ce dernier visait à décloisonner la réflexion menée, trop souvent parallèlement et en autarcie, au sein des mondes académique, politique et associatif, sur les thèmes de l’intégration et de la discrimination. L’objectif poursuivi par les organisateurs1>Journée co-organisée par l’Institut de socio-économie et démographie (IDESO), des membres du pôle de recherche national NCCR On the Move, le Parti socialiste genevois, les associations Maison Kultura, Reformaf, Pluriels, Cercle Martin Buber et université populaire africaine. était de donner accès aux connaissances disponibles et de faciliter le partage et l’échange d’idées sur ce thème.

L’exclusion du marché du travail des étrangers légaux non européens dépend de comportements implicites, voire inconscients, a souligné le Pr Michel Oris, vice-recteur de l’université de Genève. C’est dans «une zone de non-dits» où s’effectuent des «choix rapides» que cette catégorie d’étrangers se trouve, spontanément et durablement, écartée de la sélection des employeurs. Selon Philippe Wanner, professeur de démographie, l’exclusion affecte aussi les immigrés nés en Suisse de seconde ou de troisième génération et les immigrés naturalisés. Ces derniers conservent en effet le handicap d’un patronyme d’origine étrangère. Au-delà des mesures correctrices déjà envisagées (telles l’anonymisation des CV, les allocations de retour à l’emploi, l’accès facilité aux prestations sociales, le travail de sensibilisation auprès des employeurs et des syndicats, la lutte contre les discriminations et l’inertie bureaucratique au sein des structures d’aide au placement), il faudrait mieux parvenir à identifier les lieux – sur la chaîne du processus d’embauche – où les discriminations s’immiscent le plus facilement. C’est ce qu’a relevé Tobias Müller, professeur à la Faculté d’économie et de management. Cela est d’autant plus nécessaire que l’exclusion durable du marché de l’emploi de personnes hautement qualifiées induit une perte nette pour la collectivité que l’on est déjà en mesure de chiffrer précisément. Compte tenu de ce contexte, les solutions doivent être politiques et volontaristes, selon la Pre Rosita Fibbi, sociologue au Forum pour l’étude des migrations et de la population de l’université de Neuchâtel. L’investissement des pouvoirs publics doit reposer sur une véritable politique urbaine de proximité au sein des quartiers. Cette dernière doit, en outre, être dotée d’une forte dimension participative, a plaidé pour sa part Thierry Apothéloz, maire de Vernier et président de l’Association des communes genevoises.

Gabriel Barta, membre du bureau du collectif de soutien aux sans-papiers et du comité du Centre suisse de défense des droits des migrants

Emmanuel Deonna, chercheur en sciences sociales et président de la Commission Migration, intégration et Genève internationale du Parti socialiste genevois

Dr Marion Deville, consultante université de Genève & Sciences Po, Paris

Wahba Ghaly, consultant international (Global Fund, Ford Foundation, US AID, Caritas International).

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