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Le président du Ghana, nouvelle idole des jeunes?

Catherine Morand revient sur la décision du président ghanéen Nana Akufo-Addo de se passer des prêts du FMI.
EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Le mois dernier, le président du Ghana, Nana Akufo-Addo a tranquillement annoncé qu’à l’avenir, il souhaitait renoncer à emprunter de l’argent auprès du Fonds monétaire international (FMI), et que le Ghana, avec une prévision de 8,3% de taux de croissance en 2018, avait désormais les moyens de se passer de ses prêts. Accompagnés d’exigences, toujours les mêmes, qui passent généralement par des coupes dans les dépenses publiques, de la santé, de l’éducation.

«Nous ne pouvons pas dépendre des autres pour financer l’éducation de nos pays», avait-il également lancé devant un parterre d’officiels, parmi lesquels de nombreux bailleurs de fonds, récemment réunis à Dakar pour un Partenariat mondial pour l’éducation. «Depuis dix ans, 50 milliards de dollars sont envoyés chaque année hors d’Afrique à des fins illicites. Pouvons-nous imaginer ce que nous aurions pu faire avec de telles sommes?» Ces déclarations enflamment depuis lors la Toile, tandis que les internautes saluent en Nana Akufo Addo une nouvelle icône, qui redonne sa dignité perdue au continent africain.

Ces déclarations font suite au discours choc que le président Nana Akufo-Addo avait prononcé lors de la visite d’Emmanuel Macron au Ghana le 30 novembre dernier, laissant le président français déstabilisé autant qu’admiratif, celui-ci ne s’attendant visiblement pas à un tel discours: «On ne peut pas continuer à faire des politiques pour nous, dans nos pays, dans nos régions, sur notre continent, sur la base du soutien que le monde occidental, la France ou l’Union européenne voudrait bien nous donner. Ça ne va pas marcher, ça n’a pas marché hier et ça ne marchera pas demain», avait-il lancé. Il avait aussi eu des paroles fortes sur la migration et l’énergie que mettent de nombreuses personnes pour gagner l’Europe, au prix de mille dangers. «Nous voulons que les jeunes Africains restent en Afrique», avait-il martelé, rappelant que lorsque des hommes et des femmes «vont voir ailleurs», cela montre «l’échec de la patrie d’origine à procurer des opportunités». Avant de rappeler le slogan de sa présidence: «Nous voulons construire un Ghana au-delà de l’aide au développement (Ghana beyond aid), un Ghana qui est indépendant, qui se prend en charge, capable d’être debout tout en construisant sa propre destinée.»

Si un tel discours a connu un tel retentissement, c’est aussi parce qu’il demeure une exception de la part de responsables politiques généralement plus prompts à exiger des pays dits «riches» une «» gouvernementale, même si celle-ci disparaît le plus souvent dans les méandres d’une corruption institutionnalisée, endette encore davantage les générations futures. Ou s’apparente à une ristourne en échange d’opportunités d’affaires pour de grands groupes financiers et commerciaux occidentaux.
En prenant expressément ses distances avec l’aide internationale et le FMI – auprès duquel il ne souhaite pas contracter un nouvel emprunt en avril 2018, après que l’accord actuel arrive à échéance –, Nana Akufo-Addo confirme son statut de «champion» sur les réseaux sociaux, bien décidé, comme il l’avait promis durant sa campagne présidentielle, à lutter contre la mauvaise gestion et la corruption et à renoncer à «mendier» une aide internationale qui plombe son pays.
Qui l’eût cru? Ce petit homme rondouillard, en fonction depuis le 7 janvier 2017, qui fêtera ses 74 ans le 29 mars 2018, est désormais qualifié de «version améliorée» du bouillant Thomas Sankara, assassiné à l’âge de 38 ans il y a trente ans. Son discours face au président français Emmanuel Macron a aussitôt été comparé à celui de Thomas Sankara face au président français François Mitterrand. Nana Akufo-Addo aura-t-il à payer cher son audace, ou bien son positionnement va-t-il inspirer d’autres responsables politiques sur le continent? Affaire à suivre.

Catherine Morand est journaliste pour SWISSAID (l’opinion exprimée ne reflète pas nécessairement celle de SWISSAID).

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lundi 8 janvier 2018

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