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Que peut Genève pour la culture?

La magistrate Sandrine Salerno exprime sa vision de la culture. Elle regrette que la politique culturelle soit «l’otage d’attaques stériles», y compris à Genève, et revient sur la répartition des tâches canton/communes.
Réflexion

En ce début de XXIe siècle, rappeler le rôle de la culture est essentiel. Parce qu’elle véhicule une histoire, une volonté d’interpeller, de bousculer, de surprendre, elle est un élément fondamental à la fois de la liberté et de la démocratie, mais également constitutive de notre humanité. Elle fait de nous des êtres humains, capables de ressentir des émotions, de partager des interrogations et des projets, de développer un sens critique et d’inventer, sous une multitude de formes, des expériences collectives. Enfin, et peut-être surtout, elle fait partie de ce qui nous relie les un-e-s aux autres.

Si les artistes nous touchent et nous aident à vivre, il est alors essentiel que les collectivités publiques puissent les soutenir et valoriser celles et ceux qui produisent du bien commun.

A Genève comme ailleurs, la politique culturelle subit un désamour de la part de certains politiques et devient l’otage d’attaques stériles. Pour un monde politique gestionnaire, la culture est bien souvent un investissement peu rentable, un luxe superflu. Des positionnements politiques qui divisent, dressent les formes d’art les unes contre les autres, méprisent les institutions, dévalorisent la recherche scientifique, précarisent les artistes et étouffent, à coup d’exigences technocratiques, la créativité et l’innovation.

Genève peut être fière des moyens investis ces dernières années dans la culture. Mais il est temps de retrouver le sens du «faire ensemble». La loi sur la répartition des tâches entre le canton et les communes dans le domaine de la culture n’améliore pas le soutien à la culture, ne constitue pas une réponse aux besoins des grandes institutions, et ne renforce pas le rayonnement de Genève et de ses artistes. Les 14 205 signatures recueillies pour l’initiative constitutionnelle «pour une politique culturelle cohérente à Genève» en sont une preuve tangible.

Que peut le canton? Si les villes et les communes sont très actives dans le domaine culturel, le canton peine à trouver sa place, à définir son rôle et à développer une vision globale sur l’ensemble du territoire. Ses décisions sont difficiles à comprendre; le Grand Conseil investit dans des équipements (Comédie, Théâtre de Carouge) mais refuse d’en soutenir le fonctionnement; il tergiverse devant la nécessité de mieux soutenir les grandes institutions patrimoniales qui représentent pourtant notre histoire commune et sont liées au monde de la formation; il se retire du soutien à l’art dramatique pourtant lié aux programmes scolaires; il fragilise le soutien au Grand Théâtre tout en prétendant développer le rayonnement économique et touristique de Genève.

Pourtant, les enjeux sont nombreux et passionnants: développer une politique culturelle complémentaire aux communes, créer une politique d’accès à la culture innovante sur l’ensemble du territoire, revitaliser le Conseil de la culture, prendre en compte les besoins et l’évolution des institutions, renforcer la présence des artistes dans les écoles, améliorer les conditions de la création et de la diffusion… ne sont que quelques-uns des objectifs à prioriser.

Dans une société qui a besoin d’innover et de s’adapter aux défis du futur, la culture a un rôle essentiel à jouer. Et Genève a des atouts à valoriser!

* Conseillère administrative en Ville de Genève, candidate au Conseil d’Etat.

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