Édito

Densité contestée

Densité contestée
à Genève, la surface à bâtir se réduit comme peau de chagrin. MARTIAL TREZZINI
Genève

Genève subit une croissance douloureuse. Les trois votations organisées le 4 mars en Ville de Genève, à Chêne-Bougeries et à Bernex nous le rappellent. Dans ces communes, le canton rencontre une opposition farouche de la part de groupes d’habitants organisés et déterminés à stopper la densification de leur quartier grâce aux outils de la démocratie directe.

Les problèmes ne font que commencer. Alors que plusieurs grands projets d’aménagement se concrétisent, le stock de terrains agricoles susceptibles d’accueillir des logements s’épuise inexorablement. Lors des prochaines décennies, l’Etat comptera principalement sur des parcelles déjà occupées pour bâtir ses futurs quartiers. Il devra d’abord déloger, que ce soit les villas dans les quartiers résidentiels ou les entreprises dans tout le périmètre du PAV (Praille-Acacias-Vernets), avant de se développer. Cette perspective complique considérablement sa mission.

La construction de logements est pourtant nécessaire. Une partie de la population genevoise – en particulier les plus jeunes et les familles qui s’agrandissent – se heurte à la dureté du marché et à des prix gonflés par la pénurie. En face, la lutte des propriétaires concernés par la densification paraît certes légitime. Ils défendent leurs biens et un cadre de vie indéniablement privilégié. Mais dans la balance, leurs revendications ne peuvent pas peser plus lourd que les besoins du plus grand nombre à se loger. Dans les zones proches de la ville et déjà connectées aux transports publics, la priorité est donnée aux appartements, nombreux et à des prix abordables.

Dans ce contexte, certaines exigences ne doivent toutefois pas être occultées. Tandis que l’Etat se démène pour construire davantage, ses errements dans le dossier des transports publics, avec une offre à l’arrêt et des projets qui s’enlisent, est incompréhensible. La saturation du trafic cristallise bien souvent les craintes des riverains. De même que la densité ne doit pas rimer avec une perte de la qualité des logements et de leur environnement. Dans certains futurs quartiers, comme celui de la caserne des Vernets, les gabarits des immeubles planifiés par le canton ont de quoi effrayer. Ils s’apparentent à de véritables cages à poules.

La contestation des habitants est également l’occasion de questionner le développement économique de Genève. En quête d’une croissance effrénée, les autorités s’activent pour attirer toujours plus de sociétés au bout du Léman, à coup de sous-enchère fiscale et de lobbying aux quatre coins du monde. Cette course irraisonnée a évidemment ses conséquences sur la crise du logement. Et si on poursuivait un modèle de croissance plus modéré, plus local? Dans les communes, cette idée fait son chemin.

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