Édito

Spécisme: dépasser l’émotion

Spécisme: dépasser l’émotion
Des antispecistes manifestent devant l'entree lors de l'ouverture d'Aquatis, le plus grand Aquarium-Vivarium d'eau douce en Europe ce samedi 21 octobre 2017 a Lausanne. (KEYSTONE/Jean-Christophe Bott)
Antispécisme

Les fronts se durcissent entre éleveurs et militants antispécistes. Par des actions chocs et une maîtrise parfaite des réseaux de communication, les défenseurs de l’égalité entre êtres humains et animaux ont acquis une forte visibilité. Ils pointent du doigt une réalité indéniable: nous avons oublié la nature de ce qu’il y a dans notre assiette.

Qui, de nos jours, a déjà assisté à l’abattage d’un animal? Regarder la réalité est choquant. Les vidéos divulguées par les militants l’attestent. Et les normes strictes de conditions d’élevage et d’abattage n’empêchent pas des dérapages. Dans le canton de Vaud, les scandales se succèdent. Les abattoirs de Rolle et d’Avenches sont sous le coup de procédures.

Les associations antispécistes ont le mérite de lever le voile sur un monde fermé. Les éleveurs, eux, sont piégés par l’image idyllique qu’ils ont donnée de leur profession, d’animaux gambadant dans des prés verdoyants. Mais les militants ne se contentent pas de dénoncer des conditions d’élevage et d’abattage indignes. Ils font un procès aux acteurs de la filière pour meurtre envers des «personnes non humaines». Ce dogme, qui exclut toute utilisation animale, bannit toute amélioration de la production. S’interroger est légitime. Mais la position extrême des antispécistes, fondée sur l’émotion, défend-elle réellement la cause animale?

Pour la sociologue Jocelyne Porchet, l’abolition de l’exploitation animale signerait la disparition des vaches, cochons et poules. Et certains aliments prisés des vegans font des dégâts environnementaux effrayants. En Afrique du Sud, la culture intensive d’avocats s’est développée pour répondre à la demande des Occidentaux. La production de deux avocats et demi exige 1000 litres d’eau. A cause de la sécheresse, des milliers de bovins sont morts de soif, selon une enquête de l’hebdomadaire allemand Die Zeit. En Amazonie, des centaines de milliers d’hectares de forêt – et les animaux que celle-ci abrite – sont sacrifiés pour la culture de soja. Les antispécistes nous mettent devant les yeux le lien entre le morceau de viande dans l’assiette et l’animal. Il leur reste à prendre conscience du crime que représentent ces cultures envers des milliards d’animaux, loin de notre vue.

Pour éviter toute chasse aux sorcières, les questionnements sur la viande gagneraient à être intégrés à une réflexion plus globale sur notre alimentation. En modifiant les quantités que nous consommons, en privilégiant des circuits courts, en recréant le lien entre producteur et consommateur, nous pouvons contribuer à une nourriture plus éthique.

Régions Édito Vaud Sophie Dupont Antispécisme Animaux 

Autour de l'article

Le débat s’envenime

lundi 15 janvier 2018 Selver Kabacalman
Des militants pour l’égalité animale ont été attaqués lors d’une manifestation samedi devant le Palais de Beaulieu, où se déroulait la 22e édition du salon agricole Swiss Expo.

Connexion