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Le climat sacrifié sur l’autel du business mondialisé

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Les sommets sur le climat se multiplient, se suivent et se ressemblent: après la COP21 à Paris, la COP22 à Marrakech, la COP23 à Bonn, Emmanuel Macron a réuni la semaine dernière à Paris un nombre impressionnant de chefs d’Etat pour son «One Planet Summit», entourés par le gratin du business mondialisé et de la philanthropie internationale, dont Bill Gates. «On est en train de perdre la bataille du climat», a averti le président français, nous renvoyant ainsi au fameux «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs», prononcé par Jacques Chirac lors du 4e sommet de la Terre de Johannesburg, en 2002.

C’est dire si d’un bout à l’autre de la planète, les responsables politiques, du secteur de l’économie, des institutions internationales, s’époumonent depuis des lustres pour tirer la sonnette d’alarme sur l’état de notre bonne vieille planète Terre. Pour faire bon poids, le 13 novembre dernier, plus de 15 000 scientifiques sonnaient à nouveau l’alerte générale quant à son état. «Si nous voulons éviter de grandes misères humaines, il est indispensable d’opérer un changement profond dans notre gestion de la Terre et de la vie qu’elle recèle.» Et puis quoi? Et puis rien. Car pour changer radicalement «notre gestion de la Terre», il faudrait changer radicalement les règles du commerce international et les pratiques du business mondialisé. Et de cela, il ne saurait être question.

Bien au contraire. La folie qui consiste à faire faire des milliers de kilomètres à chaque aliment, vêtement, ou tout objet de consommation courante avant qu’il ne se retrouve dans notre assiette, notre armoire ou sur les étals de nos centres commerciaux, n’est jamais remise en question. Alors qu’un porte-conteneurs émet autant de gaz à effet de serre que plusieurs milliers de voitures, l’insoutenable pollution dégagée par le fret maritime ne fait que rarement parler d’elle. Tandis que les pauvres citoyens que nous sommes culpabilisons à mort si nous omettons de recycler une bouteille en pet ou une cannette en aluminium.

La signature de méga-accords commerciaux, tels le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), qui lie l’Union européenne et le Canada, ou les APE, entre l’Union européenne et les pays dits ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique, continuent à avoir le vent en poupe, au nom d’une idéologie complètement dépassée qui a amplement montré son inanité et causé des dégâts incommensurables non seulement à l’environnement et, partant, au climat, mais aussi aux économies de nombreux pays – les seuls «gagnants» étant les multinationales qui mettent la planète en coupe réglée. Des accords qui mettent les pays à la merci des entreprises, lesquelles peuvent ensuite les poursuivre en justice si elles estiment que l’Etat entrave la bonne marche de leurs affaires.

«Dans le CETA, rien n’est prévu pour limiter le commerce des énergies fossiles et la hausse des émissions de CO2 du transport maritime international et aérien induit par le traité», avait relevé le 3 octobre dernier devant les parlementaires européens Kathline Schubert, présidente de la Commission d’expert indépendants chargée d’évaluer l’impact de cet accord. On peut parler d’une forme de schizophrénie, si l’on songe que les mêmes gouvernements, qui signent l’Accord de Paris et les autres accords sur le climat, adhèrent dans le même temps à des accords qui font exploser les émissions de gaz à effet de serre.

Dans les pays du Sud également, les politiques mises en place reflètent ces contradictions. D’un côté, leurs gouvernements réclament une forme de justice climatique en exigeant des pays développés une indemnisation pour leur vulnérabilité à des catastrophes climatiques dont ils ne portent pas la responsabilité. Dans le même temps, ils font appel à des investisseurs étrangers et à des multinationales, notamment dans le secteur de l’agriculture et l’exploitation minière, qui vont encore accentuer la dégradation de leur environnement.

Le business mondialisé semble en tout cas l’avoir définitivement emporté sur le climat, le bien commun des nations, et la survie même des peuples de la planète Terre.
 

Journaliste, SWISSAID (l’opinion exprimée ne reflète pas nécessairement celle de SWISSAID).

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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