Incendier pour plaire aux siens
«Dangereuse», «injustifiée et irresponsable», «inquiétante». Les condamnations ont fusé tout autour du monde après la décision du président étasunien, Donald Trump, de «reconnaître» Jérusalem comme la capitale d’Israël et d’y annoncer un prochain déménagement de l’ambassade des Etats-Unis. Dans de nombreux pays musulmans, la colère a explosé. Le mouvement palestinien Hamas a quant à lui appelé à une nouvelle intifada et des heurts se sont déjà produits en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza.
Plus encore qu’ailleurs, la déclaration du résidant de la Maison-Blanche y a sonné comme une incompréhensible provocation, tant le statut de la ville – sainte pour les trois plus grandes religions monothéistes – est sensible dans une région en conflit depuis septante ans. Ce n’est en effet pas pour rien qu’aucun pays n’avait jusqu’ici franchi ce pas, et que l’annexion de Jérusalem-Est a été déclarée contraire au droit international et condamnée à plusieurs reprises par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Au-delà du grave danger de déstabilisation que cette annonce implique, son timing laisse aussi pantois. On ne peut même pas la lire comme un coup de poker pour faire bouger des négociations qui se grippent. Car dans les faits, le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens est au point mort depuis longtemps. Quant à l’ébauche du plan «ultime» que Donald Trump appelle de ses vœux, elle reste un mystère. Les activités de ses envoyés spéciaux au Proche-Orient ces derniers mois ont surtout visé à faire bouger les alliances diplomatiques régionales, renforçant encore le poids de l’Arabie saoudite pour tenter d’affaiblir l’Iran, grand ennemi d’Israël. Et non chercher à trouver une solution avec les Palestiniens.
Faisant fi des avertissements et inquiétudes des dirigeants du monde entier, Donald Trump a une nouvelle fois choisi la voie unilatérale. Pour contenter les lobbys pro-israéliens et évangélistes étasuniens qui le soutiennent – ainsi qu’une grande partie de la classe politique locale – et renforcer son ami Benjamin Netanyahou, il n’a pas hésité à se mettre toute la communauté internationale à dos. Car c’est bien une logique de politique intérieure qui semble avoir guidé Donald Trump pour prendre cette décision. Elle lui permet en effet de resserrer les liens avec les siens et de bouleverser la politique de ses prédécesseurs, pour se construire – dans son camp – une image de président qui fait bouger les choses et tient ses promesses. Et qu’importe si c’est au risque d’incendier une nouvelle fois le Proche-Orient.