«Appliquons le principe fondamental de la réciprocité»
Une nouvelle affaire qui éclabousse le monde de l’évasion fiscale est celle des Paradise Papers. Un peu plus d’une année après celle des Panama Papers. Pour rappel, en avril 2016, une fuite provenant du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca permettait la divulgation de 11 millions de documents confidentiels. Détaillant les activités de 214 000 sociétés offshore spécialisées dans la soustraction fiscale.
Avec les «Paradise Papers», la situation est quelque peu différente. Il s’agit de montages financiers du type «poupées russes». La fuite, cette-fois-ci, provient du cabinet d’avocats Appleby. Utilisées dans le monde de la finance, de l’industrie, du vedettariat ou encore de la politique, les structures révélées ne sont pas illégales, mais l’aléa moral en prend un sérieux coup.
Il y a plusieurs façons d’appréhender cette problématique qui ne fait qu’accroître les inégalités sociales – l’impôt demeurant un outil incontournable pour redistribuer les fruits de la croissance économique. Selon le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et l’économiste français Gabriel Zucman, cette évasion de capitaux des entreprises et des grandes fortunes représente 350 milliards d’euros de pertes fiscales par an pour le monde entier, qui viendront à manquer tôt ou tard. Quelqu’un devra bien payer.
Tolérance zéro
Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz clame haut et fort qu’il faudrait pratiquer une tolérance zéro en la matière. Toutefois, les avocats et banquiers concernés se réfugient derrière la légalité de leurs montages financiers.
Par ailleurs, l’invocation de considérants moraux constitue un terrain glissant: la morale a mauvaise presse dans notre société basée sur l’individualisme et l’égoïsme. Parce que «les affaires» à répétition font douter de tout et de tous. Au point de se demander qui peut encore faire la morale à qui que ce soit. D’indignation en indignation, «nul ne ment plus qu’un homme indigné», disait Nietzche.
Quant aux néolibéraux, ils défendent bec et ongles que nous payons trop d’impôts. Que l’Etat et son lot de fainéants et de profiteurs coûtent trop cher. Que tout le monde n’a pas envie de financer les expos de Jeff Koons ou les poupées géantes de Nantes. Bref, c’est la faute de l’autre.
Cohérence
Pour ma part, l’angle d’approche le plus rationnel est celui de la cohérence. Si ces montages offshore avaient comme logique économique autre chose que de se désolidariser d’avec le bien commun, on devrait se dépêcher de les démocratiser et de les rendre accessibles au plus grand nombre.
Dans le même sens, appliquons le principe élémentaire de la réciprocité, sans lequel aucune confiance ne peut se développer. Pourquoi continuer d’acheter les produits de l’équipementier Nike qui, comme l’a révélé Le Monde, pratique l’optimisation fiscale par une série de montages financiers entre les Pays-Bas et les Bahamas, lui permettant de réduire son taux d’imposition à un malheureux 2% sur ses profits réalisés en Europe? Et ainsi de suite, sanctionnons, en tant que consommateurs et qu’électeurs, ces resquilleurs de l’économie globalisée qui profitent plus qu’à leur tour de la mondialisation sans acheter leur ticket!
François Meylan est conseiller financier indépendant à Lausanne et ancien secrétaire du PDC Vaud.