Légalité n’est pas justice
Presque comme une inquiétante habitude, l’Espagne a à nouveau connu un «moment historique» ce week-end. Sous la menace imminente d’être mise sous tutelle, la Catalogne a déclaré vendredi son indépendance, de manière aussi tonitruante que peu susceptible d’aboutir. Dans la foulée, l’exécutif ibère a mis à exécution l’application de l’article 155 de la constitution. Une première en quarante ans de démocratie.
Un gouvernement central destitue un exécutif local, poursuit son chef pour «trahison» et dissout le parlement régional. Une capitale met au pas toute une région, sa police, ses hauts fonctionnaires et menace de prendre le contrôle des médias publics. L’annonce est choc et représente une première au sein de l’Union européenne.
Après avoir timidement émis des réserves suite à la répression violente du scrutin du 1er octobre, les membres de l’Union, habituellement si soucieux des droits démocratiques et si prompts à pointer du doigt les pays – lointains – qui les violeraient, ont immédiatement refusé de reconnaître l’indépendance de la Catalogne. Prétextant, comme Mariano Rajoy, que la déclaration unilatérale d’indépendance et le scrutin sur lequel elle repose, sont illégaux.
Et indiscutablement, ils le sont. Mais le dire ne suffira pas à sortir l’Espagne de la crise et à dessiner des pistes de réconciliation. Le répéter ne réduira pas au silence les puissantes aspirations d’une grande partie des Catalans qui n’a pas pu s’exprimer librement.
Ce week-end, des membres d’un gouvernement national et des centaines de milliers de citoyens unionistes ont applaudi des mesures liberticides tout à fait légales mais parfaitement injustes. Elles constituent, pour l’heure, l’unique projet visant à ramener la Catalogne dans le giron national. Elles risquent en réalité de creuser une distance infranchissable entre l’Espagne et la région séparatiste. Comme celle qui peut exister entre ce qui est légal et ce qui est juste.