On nous écrit

Monarchie espagnole

Pierre Jeanneret réagit à un courrier des lecteurs du 17 octobre au sujet de l’histoire récente de l’Espagne.
Débat

La lettre de Hans-Peter Renk, qui mélange plusieurs choses, appelle quelques commentaires. Mais comme tous les ardents militants trotskistes, il a la vérité infuse. Les autres composantes de la gauche espagnole (PSOE, Podemos, Izquiera Unida) sont donc dans l’erreur. Je le suis donc par définition aussi à ses yeux.

On peut cependant donner raison à H.-P. Renk sur deux points: la répression policière du référendum illégal catalan était inutilement brutale et politiquement imbécile. Quant au statut d’autonomie des provinces, il pourrait et devrait être largement accru. Jusque-là, nous sommes d’accord.

Ce n’est plus le cas lorsque H.-P. Renk évoque conjointement le drapeau espagnol et le rétablissement de la monarchie. Certes, on peut être nostalgique de l’éphémère drapeau républicain. Cette nostalgie passéiste ne concerne qu’une petite minorité de militants tout à fait respectables, mais en hiatus complet avec l’écrasante majorité du peuple espagnol, notamment dans la jeunesse. Quant à l’existence de la royauté (purement représentative et sans pouvoir réel), faut-il rappeler qu’elle a peut-être néanmoins sauvé la démocratie espagnole lors du putsch néo-franquiste du 23 février 1981? Un ancien glorieux combattant communiste suisse des Brigades internationales, Josef Marbacher, aujourd’hui décédé, nous disait alors son admiration envers le roi et son ferme discours télévisé. Par ailleurs, mettre en avant le coût de la liste civile est dérisoire, en regard des dépenses faramineuses entraînées par exemple par la présidence d’une République française régalienne.

La Constitutionde 1978 a certes dû faire de larges concessions. H.-P. Renk oublie-t-il que, peu après la mort du dictateur Franco, la démocratie espagnole était encore extrêmement fragile, comme l’a prouvé la tentative de putsch rappelée ci-dessus? Et que même Santiago Carrillo et Dolorès Ibarruri, la Pasionaria, appelaient à la reconnaissance du drapeau et de la monarchie espagnole, pour éviter de plonger le pays dans un nouvel embrasement sanglant. Comme disait Lénine, «les faits sont têtus», et il sied à des personnalités politiques responsables, non aveuglément dogmatiques, d’en tenir compte. Ce qu’ont fait à l’époque les principales composantes de la gauche espagnole, ce qu’elles font aujourd’hui.

Pierre Jeanneret, historien, Grandvaux (VD)

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