#moiaussi: combien pèse «non»?
Tout est relatif, ici bas. Ainsi procédera-t-on l’an prochain à un changement du Système international d’unités: les scientifiques redéfiniront l’ampère, le kelvin ou la mole, à partir de différentes valeurs numériques considérées comme exactes. On reprécisera aussi le kilogramme, dont l’étalon est un cylindre en platine et iridium produit en 1889, conservé à Paris sous une triple cloche.
Côté températures également, on sait que rien n’est éternel: alors qu’on avait fixé le point d’ébullition à 100° Celsius, on l’a par la suite abaissé à 99,98, après une redéfinition de la pression standard. Celle mesurée au niveau de la mer, il va sans dire, car à 2000 mètres d’altitude, l’eau bout à 93,3° seulement.
Certaines frontières aussi se modifient, à l’image de celle qui sépare la Suisse de l’Italie, entièrement dans les Alpes, avec des reliefs loin d’être figés et des glaciers en constante recomposition – entre 1920 et aujourd’hui, les variations se mesurent parfois en plusieurs dizaines de mètres. Quant à la certitude suprême, celle de notre mort future, elle gagne elle tous les jours en relativité, humains augmentés obligent.
Avec les innombrables témoignages de harcèlement ou violences sexuelles de #moiaussi, dans la foulée de l’affaire Weinstein, le monde découvre l’ampleur d’une nouvelle inconstance: celle de la signification de «non». Pourtant, les trois lettres ont toujours eu le même sens, qu’on les énonce en 1889 ou en 2017, au niveau de la mer, sur les contreforts du Mont Lee (où trône l’enseigne Hollywood), d’un côté ou de l’autre d’une frontière.
Il est trop tôt pour prédire les suites de l’incroyable élan libérateur qui s’est enclenché ces deux dernières semaines. Mais si la réalité à laquelle se réfèrent les lettres «kilo» pèse 1000 grammes, celle de «non» devrait atteindre la tonne, minimum. «Non, c’est exclu, certaines choses ne peuvent tout simplement pas être faites.» Or tant qu’on se permettra de considérer la négation comme une variable, absolument rien ne changera. Il est grand temps d’assigner leur poids réel à certains mots.