Chroniques

Des rencontres contrastées

Mozart en Palestine (2)

Nous étions averti-e-s: partir pour la Palestine peut se révéler compliqué. Dès l’aéroport de Genève, la réalité de la sécurité israélienne se donne à voir. Outre les habituelles questions sur la préparation des bagages, sur nos éventuels contacts en Israël ou sur nos noms, parfois passés au crible, le projet lui-même est interrogé: ses initiateurs doivent justifier le choix de chanter avec un orchestre palestinien plutôt qu’avec une formation israélienne; notre ancienneté dans le chœur et notre registre vocal doivent être précisés; nous avons même craint de devoir chanter au guichet d’embarquement pour prouver notre bonne foi. Contre toute attente, l’arrivée à Tel Aviv se passe sans problèmes, probablement un effet du voyage en groupe et de la lassitude provoquée par des dizaines de choristes répétant la même histoire…

Soulagés d’avoir franchi si aisément une frontière réputée difficile, nous grimpons dans les cars et prenons la direction de Ramallah, joyeux et bavards. Le long des routes israéliennes, le paysage aride alterne entre bougainvilliers en fleur et palmiers. Ralentissement: nous arrivons à un check-point. Barrières, mirador, béton, hommes en armes. L’arrêt est bref, à notre grande surprise. Sitôt parvenus dans les territoires occupés, le spectacle nous réduit au silence. Ces terres si âprement disputées, dans lesquelles les Palestiniens sont confinés, débordent de déchets. Les routes et les constructions sont rudimentaires et décaties. Tout présente l’aspect de la survie et de l’urgence. L’arrivée à notre hôtel à Ramallah n’en est que plus brutale, et nous ramène à notre statut de privilégiés. Si en y séjournant, nous contribuons sans doute à faire fonctionner une économie précaire, il apparaît clairement que la réalité palestinienne ne se laissera approcher qu’en dehors de ce cocon.

Première matinée dans les rues de Ramallah, où très vite, la visite se transforme. Les habitant-e-s viennent à notre rencontre, de nombreux «Welcome in Palestine» accompagnent nos déplacements. Jusqu’à un moment emblématique: à la sortie d’un café, un vieil homme nous aborde. Révolté et très ému, il nous explique que les Occidentaux sont mal informés, qu’ils ne comprennent pas la situation des Palestiniens, enfin qu’ils ne sont pas des terroristes. Un attroupement se crée, une jeune femme s’approche, curieuse. Elle s’adresse à nous pour s’assurer que les propos du vieillard au keffieh ne nous importunent pas. Toutes les ambivalences de la société palestinienne s’expriment là: envie d’être reconnus, réhabilités, et désir d’ouverture à un tourisme naissant.

Fin d’après-midi, nous partons dans les embouteillages pour le Conservatoire national de musique de Bir Zeit. Nous verrons enfin les personnes avec qui nous organisons ce projet depuis des mois et les choristes qui chanteront avec nous. L’accueil est chaleureux et nous fait oublier la salle de répétition, au sous-sol, petite et vétuste. Mais au moment de chanter, les moments vécus depuis notre arrivée se rappellent à nous et les premières notes sont difficiles, l’émotion trop forte. La répétition doit s’achever à 21 heures déjà: les choristes qui doivent rentrer chez eux à Jérusalem, à 13 kilomètres de distance, craignent un voyage de trois heures, check-points obligent.

Et tibi reddetur votum in Jerusalem [et que soient accomplis les vœux formés dans Jérusalem], chantons-nous dans le Requiem. A quelques jours du concert dans cette ville emblématique, certains musiciens et choristes n’ont toujours pas reçu les autorisations pour quitter le territoire palestinien, et nous ne savons pas si le concert à Jérusalem aura lieu avec l’orchestre au complet.

Opinions Chroniques

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Nadia Lamamra - Mozart en Palestine

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