Genève

Le bonjour du facteur bientôt facturé?

La Poste

La fermeture annoncée, ce printemps, de centaines de bureaux de poste en Suisse a eu l’effet d’un coup de massue pour de nombreux usagers. La grogne est rapidement montée, accompagnée de mobilisations du personnel, des syndicats, des citoyens, et de Municipalités. Car les collectivités publiques se sentent elles aussi lésées par les effets néfastes de la course aux profits menée par le géant jaune. Une prise de position réjouissante, tant la politique de La Poste s’éloigne des préceptes auxquels devrait s’attacher un service public.

L’ex-régie fédérale – qui a réalisé 558 millions de bénéfices consolidés en 2016 et a versé près d’un million de salaire à sa directrice – s’est contentée de défendre son «évolution», mettant en avant ses nouvelles «offres» au travers de campagnes de pub télévisées et d’affiches vantant les prétendus bénéfices de son «positionnement» (sic). Comme si le slogan célébrant la possibilité de retirer un paquet «là où je fais mes achats» – dans quelques commerces seulement en réalité – suffisait à faire oublier la baisse de l’offre engendrée par les fermetures de centaines de bureaux, et les nombreuses difficultés qu’elles entraînent. Pour les personnes âgées d’abord, mais pas seulement. De nombreux secteurs d’activité économique en souffrent également.

Quant au cynique slogan «plus proche de la vie» que La Poste publie sur ses annonces, il n’est rien de moins qu’un mensonge insultant. Comme constaté, la réalité est bien que le service postal se retire des villages et des quartiers pour s’installer dans quelques commerces, déjà forts occupés à vendre leur propre marchandise; demandant de surcroît aux usagers de se déplacer bien plus loin et de réaliser eux-mêmes leurs opérations. Brisant ainsi du lien social, réduisant les services de base – ou, à défaut, les facturant au prix fort –, et s’appuyant désormais sur des employés aux conditions de travail bien plus précaires.

Face à de telles dérives, la question est de savoir jusqu’où ira La Poste dans la marchandisation du service public, et du lien entre ses représentants et la population. Le modèle actuel de son homologue français, qui a pris la même voie – et de l’avance –, laisse craindre le pire.

Un exemple est parlant. Pour répondre à ceux qui critiquent la perte de relations humaines pour les personnes âgées engendrée par la baisse de son offre, tout en faisant tinter la caisse enregistreuse, La Poste française a décidé de facturer ce qu’elle perçoit comme un «service», au sens économique du terme. Son «entreprise» Veiller sur mes parents formule ainsi son offre: «Le facteur rend des visites régulières à vos parents âgés: des passages 1, 2, 4 ou 6 fois par semaine, à partir de 19,90 € par mois». Prix «de lancement», est-il précisé!

Une large mobilisation apparaît donc absolument nécessaire pour bloquer pareilles dérives de la part de La Poste suisse. A défaut, dans quelques années, on court le risque de se voir facturer le «bonjour» que nous lance le facteur. I

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