Édito

Aux morts de la route

Sécurité routière

La Suisse est un pays libéral, et pas seulement en matière d’économie. La façon d’appréhender, de responsabiliser et, le cas échéant, de punir l’automobiliste est à ce titre frappante. Un temps, les autorités ont souhaité serrer la vis. Entra alors en vigueur Via sicura, dont le volet répressif fut rapidement honni des chauffards. Il y a quelques jours, au moment où débutait la grande transhumance des juilletistes sur les routes des vacances, le Conseil fédéral indiquait que le programme avait porté ses fruits, que la pression sera relâchée et certaines mesures prévues abandonnées, comme l'éthylomètre anti-démarrage et les «boîtes noires». Situation absurde où, parce qu’il fonctionne, un programme se voit raboté. Et ce, quatre ans seulement après avoir débuté. Pourtant, de telles mesures doivent s’enraciner dans la durée pour devenir des automatismes. Songeons, par exemple, à l’obligation du port de la ceinture de sécurité.

Cette annonce survient alors qu’une initiative demandant l’assouplissement de Via sicura est en cours de récolte de signatures. Hasard du calendrier encore, le Conseil national a décidé en juin de relever de 70 à 75 ans l’âge du premier examen médical destiné à vérifier l’aptitude à conduire des seniors. Et d’autoriser la vente d’alcool sur les autoroutes, interdite depuis 1964, faisant fi d’années de prévention. Un appel au meurtre version soft. Les élus peuvent dormir sur leurs deux oreilles: jamais ne leur reviendra la douloureuse tâche de devoir annoncer à une famille la mort de l’un des leurs.

Certes, le nombre de décès sur les routes a chuté depuis dix ans. Félicitons-nous en. Mais gardons à l’esprit que le trafic, lui, continue de croître. Tout comme la part des sympathisants de la mobilité douce. Or, les mesures nécessaires à un report modal de la voiture vers les transports publics, le vélo et la marche sont largement insuffisantes. Combien de personnes renoncent chaque jour à enfourcher leur bicyclette, craignant pour leur intégrité physique?

Autre exemple: les passages piétons. Est-il normal de devoir engager des patrouilleuses scolaires pour faire traverser les enfants sur des passages pourvus de feux? L’octogénaire qui traversait vendredi un quai genevois n’en a pas bénéficié, fauchée par un véhicule alors qu’elle marchait à l’intérieur des clous. Pas plus que les deux piétons tués en avril dernier à Lausanne. Plus de mille personnes, selon les chiffres de la fondation suisse RoadCross, sont blessées chaque année dans notre pays sur des passages piétons, dont 300 gravement et 20 mortellement. Dans ces conditions, lâcher la bride n’apparaît pas comme l’option la plus responsable qui soit.

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