Démocratiser la démocratie
Maître assistant de l’Institut d’études politiques, historiques et internationales ainsi que du Centre Walras Pareto de la Faculté des sciences sociales et politiques de l’université de Lausanne, Antoine Chollet est spécialiste de la théorie politique. Ses travaux sur la démocratie – notamment Défendre la démocratie directe. Sur quelques arguments antidémocratiques des élites suisses – interrogent l’articulation des notions de démocratie, d’égalité, de liberté, d’autonomie et d’émancipation.
L’antidémocratisme étant de saison, il importe de reprendre et questionner les valeurs dont le projet démocratique est porteur. Projet? De fait, affirme l’universitaire, il convient d’envisager la démocratie comme jamais totalement établie, comme devant toujours se mesurer aux quatre valeurs d’égalité, de liberté, d’autonomie et d’émancipation.
La démocratie serait affaire de valeurs donc sans pour autant qu’aucun parchemin constitutionnel ne puisse la fixer: le principe du pouvoir du peuple est supérieur à tout texte et condition d’une autonomie authentique.
Autre élément majeur que note Chollet: la citoyenneté démocratique postule que toute personne qui sera affectée par la décision ou la loi sera – sans distinction de naissance, de compétence, de capacité – «tour à tour gouvernée et gouvernante» (la formule est d’Aristote); elle le sera – qui plus est – sans interruption: à la maison, à l’école, sur son lieu de travail.
La règle majoritaire – qui semble si prosaïque, si vulgaire aux tenants de l’aristocratisme – découle, elle, de ce fait qu’il s’agit de trancher entre des opinions distinctes qui ne reposent pas sur une vérité. L’opinion (doxa), rappelle Chollet, est le produit d’un mélange de faits et de valeurs. Or, si la science et les connaissances objectives contribuent à la mise en exergue des premiers, les seconds sont d’un tout autre ordre. Condition nécessaire, la règle de la majorité ne saurait suffire; elle doit trancher entre des opinions politiques si possible compétentes – d’où l’enjeu d’une éducation politique et d’occasions de délibérations publiques auxquelles chacun prenne part, favorisant décentrement et instruction.
La soirée du 6 février, espérons-le, participera de cet exercice d’une citoyenneté vraie, partagée. Intitulée «veillée», elle prend une place déterminante dans la vie de l’association La Marmite.
Le motif des veillées symbolise, à nos esprits, une réception culturelle, collective et chaleureuse. A cette enseigne sont prévues trois soirées annuelles contribuant à éclairer la portée mais aussi les obscurités des trois adjectifs qui qualifient La Marmite – projet d’action culturelle, artistique et citoyenne (cf. www.lamarmite.org).
A chaque adjectif, sa soirée!
Après une introduction théorique (ce sera donc le cas du 6 février grâce à la participation d’Antoine Chollet) ou un récit d’expérience (d’environ une demi-heure), l’assemblée est invitée à rebondir en s’appropriant le sujet du soir. Les acteurs de La Marmite (participants de ses parcours culturels, médiateurs, relais associatifs, artistes, associés et permanents) apporteront au pot commun leurs constats, leurs convictions, leurs expériences enthousiasmantes ou plus difficiles. Tout un chacun est bien entendu invité à réagir en fonction de sa propre expertise et de ses idées. Au terme de la veillée, pour remercier l’engagement des présents, une agape valorisant les victuailles d’artisans de la région sera offerte.
Par-delà l’amélioration collective du projet de La Marmite, l’enjeu de ces veillées est de servir à d’autres citoyens ou d’autres associations engagés dans le combat culturel et social et de contribuer, plus largement, à la vitalité démocratique.
Antoine Chollet sur le thème Démocratie. Egalité, liberté, autonomie & émancipation, lundi 6 février, 20h-21h30 à la Haute école de travail social, rue Prévost-Martin 28 à Genève (bâtiment A, salle 006). Entrée libre dans la limite des places disponibles.
Julie Decarroux-Dougoud est responsable de la production de La Marmite, lamarmite.org