Austérité sans fin pour la majorité, cadeaux fiscaux pour les privilégiés
Le gouvernement genevois vient d’annoncer une série de mesures d’économies pour le budget 2016, doublées de «mesures structurelles» pour les trois prochaines années. Celles-ci nous précipiteraient dans une spirale d’austérité. Le prétexte? Il n’y a plus d’argent à Genève. Les salariés de la fonction publique sont «une charge» trop lourde. L’Etat est en déficit. Et l’on ose invoquer cela dans l’une des villes les plus riches du monde abritant un nombre croissant de milliardaires!
Toutes les mesures envisagées sont des coupes dans les dépenses. Le Conseil d’Etat propose à nouveau 140 millions d’économies en 2016. De plus, il envisage de réduire la masse salariale et les dépenses générales de 5% dans les trois ans à venir. Il appelle toutes les institutions et associations subventionnées à se préparer à une diminution de 5% de leurs subventions.
A travers les mesures qui frappent les effectifs et les conditions de travail des salariés de la fonction publique, on s’attaque aux prestations à la population, à notre bien commun: la santé, l’éducation, la protection sociale ou environnementale, la sécurité, la culture, l’administration même.
Le gouvernement parle de diminuer «la charge du personnel» de 5% dans les trois ans. On suggère par cette terminologie comptable que les salariés du public constituent un coût et sont improductifs. Voire même qu’ils vivent aux crochets du secteur privé considéré comme seul producteur de valeurs. C’est un pur mensonge!
Les salariés de la fonction publique produisent des prestations, de la santé, de l’éducation etc. Qu’ils soient payés par l’impôt ne change rien au fait qu’ils produisent des richesses, donc un équivalent pour leur salaire. La principale différence avec les salariés du privé, c’est qu’ils ne produisent pas de profit et ceci est insupportable pour les milieux dominants! Pour eux, tout emploi devrait être soumis à la loi du profit, raison pour laquelle ils s’efforcent de privatiser les activités de l’Etat, après y avoir introduit des formes de management calquées sur celles du privé.
Par ailleurs, la majorité de droite du parlement (PLR, PDC, UDC, MCG) vient de voter, contre l’avis du gouvernement, une loi calamiteuse dite «Personal Stop». Cette loi bloque toute augmentation du nombre global de postes dans la fonction publique, tant que la dette de 13 milliards n’aura pas été réduite à 8 milliards. Pour créer des postes de policiers, il faudra dès lors supprimer des postes d’enseignants, de soignants, d’éducateurs, etc.
Ce «Personal Stop» est un mécanisme diabolique qui suppose des coupes ad aeternum dans les dépenses de l’Etat, les emplois, les conditions de travail du personnel et les prestations à la population. Comment répondre dans ces conditions à la croissance de la population, à celle du nombre d’enfants à scolariser, au vieillissement de la population? Quant à la dette, elle ne diminuera pas, bien au contraire, car ce mécanisme nous projette dans une spirale d’appauvrissement de la société, tandis qu’une infime minorité continuera de s’enrichir.
Aucune mesure ne s’attaque en effet aux hauts revenus et à la fortune. Depuis 1999, les baisses d’impôts exigées par les partis de droite ont privé le canton de plus d’un milliard de recettes fiscales annuelles, avec ce résultat que la dette du canton est passée de 4 milliards en 1990 à 13 milliards aujourd’hui. Ces baisses d’impôts ont principalement profité aux résidents les plus riches. De débiteurs de l’Etat, certains en sont devenus créanciers; ils ont acheté de la dette; sous forme d’intérêts, ils se sont arrogé un droit sur nos impôts futurs. D’autres ont placé cet argent sur les marchés financiers.
Résultat: d’un côté, en réduisant le personnel de la fonction publique, on détruit de la richesse, de l’autre, en réduisant les impôts des ultra-riches ou des entreprises, on grossit la masse de capitaux spéculatifs qui mine l’économie réelle et s’attaque aux emplois, aux salaires ou aux services publics.
Pour couronner le tout, le gouvernement prépare un nouveau cadeau fiscal en faveur des entreprises, à savoir une diminution des recettes annuelles de 700 millions avec la baisse du taux d’imposition cantonal sur les bénéfices des entreprises auquel s’ajoutent diverses réductions d’impôts contenues dans la 3e réforme de la fiscalité des entreprises au niveau fédéral (RIE III).
Il serait temps de faire prévaloir l’intérêt public sur les intérêts privés. La grève de la fonction publique, plus que justifiée, crée un appel d’air bienvenu pour d’autres solutions, s’inscrivant dans un autre projet de société.
* Ancien président du Syndicat suisse des services public.