Oubli des peuples
Traitant souvent «à chaud» de questions graves liées à la paix et au droit humanitaire, le Conseil de sécurité et, dans une moindre mesure, le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) attirent tous les regards, éclipsant les autres acteurs du système. Parmi les relégués du vibrato médiatique figurent… les peuples. On oublie souvent que la Charte de San Francisco débute par cette formule, «Nous, peuples des Nations Unies…», qui fait des gouvernements les simples mandataires de leurs populations.
Clause de style? Peut-être. Etat d’esprit? Sûrement. Les fondateurs de l’ONU étaient imprégnés des «indicibles souffrances» causées par la guerre qui venait de s’achever. Ils se voulaient également les continuateurs d’un humanisme philosophique et politique que l’on retrouve, par exemple, dans la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée en 1948: «La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics.» Un principe que semblent oublier certains membres fondateurs en Europe…
Sorte de directoire des grandes puissances, le Conseil de sécurité n’est pas le seul maître à bord de l’ONU. L’Assemblée générale, où les Etats disposent d’une voix chacun, peut se saisir de toute question entrant dans le champ – très large – de la Charte: l’article 1 vise la paix et la sécurité, mais aussi la coopération internationale, «en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire». Si l’Assemblée ne dispose d’aucun pouvoir contraignant, elle peut adopter des résolutions, lancer des études, mener des débats publics. Ce qui permit par exemple, en 1974, de faire enfin entendre les souffrances des Palestiniens par la voix de Yasser Arafat1 value="1">Le 13 novembre 1974, le président de l’Organisation de libération de la Palestine prononça son premier discours devant l’Assemblée générale. Se disant porteur «d’un rameau d’olivier et d’un fusil de combattant de la liberté», distinguant le judaïsme du sionisme, il proposa un Etat commun rassemblant toutes les confessions., puis, en 2012, de reconnaître à la Palestine le statut d’Etat observateur non membre de l’ONU.
L’Assemblée peut aussi se prononcer sur toute situation mettant la paix en danger, à la condition toutefois que le Conseil n’en soit pas lui-même saisi ou qu’il se trouve dans l’incapacité d’agir. Ce fut le cas en 1950 pour l’intervention en Corée (résolution 377). Cette possibilité n’est utilisée qu’avec précaution depuis lors2 value="2">Lire Monique Chemillier-Gendreau, «Le droit pour contrôler la force», Le Monde diplomatique, mai 1999.. L’Assemblée générale ouvre un espace à tous les Etats, petits ou grands, pour exprimer, confronter (et rapprocher) leurs points de vue de manière pacifique.
Notes
* Paru dans Le Monde diplomatique de juin 2015.