La fabrique de l’insécurité
Le nouveau projet de budget cantonal 2015, proposé par un Conseil d’Etat à majorité de droite (PLR+PDC) et extrême droite (MCG) avec la complicité d’une partie de la «gauche», prévoit des coupes claires dans les prestations sociales, comme par le passé: coupe de moitié du supplément d’intégration pour les personnes à l’aide sociale, suppression d’une partie des subsides à l’assurance-maladie, baisse des aides au logement, baisse des prestations complémentaires pour les personnes âgées et handicapées, etc. Tout cela pour seulement quelques dizaines de millions d’économies sur un budget annuel total de 8 milliards (donc moins de 1%); on voit bien l’hypocrisie de l’argument sur les indispensables économies à faire, prétendument pour nous sauver de la banqueroute. Surtout quand il est brandi par ceux qui s’ingénient à creuser déficits et dette publique à coups de rabais fiscaux qui coûtent à nos collectivités publiques des centaines de millions chaque année, depuis quinze ans (initiative libérale sur la baisse d’impôts sur les revenus de 1999 et autres rabais fiscaux votés depuis), sans compter les futures baisses sur la fiscalité des entreprises – encore 600 millions de moins dans les caisses publiques.
Cette politique des caisses vides, combinée à une véritable guerre aux pauvres, s’inscrit très logiquement dans le projet néolibéral de destruction systématique de l’Etat social qui redistribue les richesses (produites par nous!) par le biais de la fiscalité et des prestations à la population. Une politique libérale qui favorise largement le développement des inégalités de revenu et de fortune, la précarité des travailleuses-eurs, l’endettement des ménages et la criminalisation des pauvres (lois antimendicité). C’est une véritable politique de classe qui permet aux nantis de s’enrichir davantage alors que les revenus du reste de la population – les 95% qui ne font pas partie du club des riches – stagnent et leur pouvoir d’achat diminue. Ces mesures antisociales sont non seulement ignobles (enlever 15% de son revenu à une personne à l’aide sociale, c’est-à-dire vivant au seuil de pauvreté, quelle honte!), mais lâches car elles s’en prennent à des gens qui n’ont pas les moyens de se défendre. Elles sont l’expression de la violence de l’Etat devenu l’instrument d’une caste dominante de nantis. Nos élus font ainsi, d’un trait de plume sur un document comptable, basculer des milliers de gens dans la pauvreté.
Parallèlement à la fabrication de nouveaux pauvres, les autorités brandissent le spectre de l’insécurité croissante pour justifier la construction de nouvelles prisons (pour ça, les millions pleuvent par centaines! La planification pour les dix prochaines années prévoit la multiplication par deux et par huit, respectivement des places de détention pénale et administrative), l’augmentation des effectifs policiers, le renforcement du pouvoir judiciaire. Le développement de l’appareil répressif est légitimé par les effets délétères des politiques incendiaires menées par ces mêmes autorités. La boucle infernale est bouclée.
Cette politique antisociale est aussi à mettre en lien avec la conception de l’urbanisme à Genève: gentrification du centre-ville qui devient un sanctuaire pour les riches et les activités économiques les plus rentables (banques, trading, boutiques de luxe, etc.), développement de ghettos pour riches dans les zones périurbaines (rive gauche), relégation vers la lointaine périphérie des appauvris. Bref, les autorités nous façonnent un bel avenir, à l’américaine: inégalités abyssales, violence endémique, prisons surpeuplées. Est-ce vraiment ce que nous voulons? J’en doute. Heureusement pour nos autorités, nous ne voterons jamais sur ce sujet…