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Plus de courage, Madame Sommaruga !

ASILE • Face aux crises hongroise, en 1956, et kosovare, en 1999, la Suisse a réagi avec détermination, selon Caritas, qui demande aujourd’hui à la Confédération d’accueillir 5000 réfugiés syriens.

Neuf millions de Syriens sont en fuite. Quelque 60 000 réfugiés sont arrivés à Lampedusa au cours du premier semestre, après une traversée à haut risque de la Méditerranée. L’Italie attend plus de 100 000 personnes jusqu’à la fin de l’année. Il est grand temps que la Suisse augmente son engagement.

Lors de la réunion informelle du Conseil Justice et Affaires intérieures de l’Union européenne (Conseil JAI) du 8 juillet 2014, qui s’est tenue à Milan, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a exhorté les pays d’Europe à être ouverts à des mesures exceptionnelles, l’Italie ne pouvant pas, selon elle, faire face seule à la situation. Cependant, interrogée sur la position de la Suisse, elle s’est contentée d’attirer l’attention sur les (maigres) mesures d’accueil des réfugiés. Elle a insisté sur les allégements temporaires des conditions d’octroi de visas pour les ressortissants syriens mis en place l’an dernier, omettant de préciser que ces «allégements» avaient déjà été supprimés après deux mois parce que, expliquait-on, on avait fait ce qu’il fallait et que les personnes qui avaient vraiment besoin de protection avaient demandé un visa entretemps. Mme Sommaruga a enfin fait référence au programme pilote de trois ans visant à l’accueil de 500 réfugiés reconnus, ajoutant qu’un nouveau programme concret n’est pas prévu actuellement. Une politique d’asile fondée sur des exigences humanitaires ne peut s’accommoder de la frilosité du Département fédéral de justice et police.

Le nombre de demandes d’asile, qui avait baissé ces derniers mois, est en hausse, ce à quoi on pouvait s’attendre au vu des crises et des guerres qui ravagent actuellement la Syrie et l’Irak. La Confédération et les cantons soulignent le manque de possibilités d’hébergement pour les requérants d’asile. On diffuse abondamment des images de centres bondés. Si l’on veut garder le sens des proportions, il est important de se remémorer les situations passées que la Suisse a remarquablement maîtrisées. Pendant la crise du Kosovo, lors de laquelle plusieurs centaines de milliers de personnes ont été déplacées de force, la Suisse a accueilli plus de 53 000 ressortissants de la République fédérale de Yougoslavie, en particulier des Kosovars.

Le manque de possibilités d’hébergement est le résultat de décisions politiques: lorsque Christoph Blocher était conseiller fédéral, les cantons ont été incités à prévoir des infrastructures pour 10 000 demandes d’asile par an pour l’ensemble de la Suisse. Cette conception ne tenait pas compte de situations telles que celle que nous connaissons actuellement. Au contraire, la Confédération a supprimé les contributions de base que les cantons touchaient pour la constitution
de réserves de capacités et les a remplacées par un forfait global par requérant d’asile et par jour. Les cantons ont mené, dans ce domaine, des politiques différentes. Si le canton de Zurich, qui a adopté une planification à long terme, ne rencontre actuellement aucun problème d’hébergement, la situation se présente différemment en Thurgovie et en Argovie.

L’actuelle politique d’asile suisse apparaît vraiment timide et frileuse si l’on remonte plus loin dans le passé. On mentionnera ici l’accueil des réfugiés hongrois. Le 7 mars 1957, le Département fédéral de justice et police a décrit dans un rapport les mesures prises à l’époque: le 5 novembre 1956, le haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a adressé à de nombreux Etats un appel urgent leur demandant d’accueillir des réfugiés. Le lendemain, le Conseil fédéral décidait d’accepter 2000 réfugiés. Une semaine plus tard, il augmentait ce nombre à 4000 et le 27 novembre, soit trois semaines plus tard seulement, il décidait d’accueillir 6000 réfugiés supplémentaires pour un séjour temporaire en Suisse. Il y eut, jusqu’en janvier 1957, 11 000 réfugiés.

Bien sûr, c’était l’époque de la guerre froide: l’Occident accueillait alors avec bienveillance tous les réfugiés qui étaient parvenus à fuir le système communiste. Bien que la situation ne soit pas absolument comparable, deux éléments sautent aux yeux: premièrement, la Suisse a alors réagi sans délai, contrairement à ce qui se passe dans le cas de la crise syrienne, qui date de bientôt trois ans; deuxièmement, la Confédération, les cantons et les communes ont alors collaboré de façon non bureaucratique pour mettre à disposition des lieux d’hébergement. Le rapport sur la crise hongroise souligne aussi la compréhension des autorités cantonales et communales, qui avaient fait des efforts exceptionnels pour assurer leur tâche d’hébergement. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a estimé, en 1957, que parvenir à intégrer en si peu de temps 11 000 réfugiés tenait du miracle.

L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés appelle aujourd’hui les pays à accueillir au moins 100 000 Syriennes et Syriens ces deux prochaines années. «Certes, la Suisse accueille un nombre élevé de requérants d’asile par habitant, mais si l’on compare le revenu par tête avec le nombre de réfugiés, la Suisse se retrouve ‘loin derrière’ en comparaison avec d’autres pays» déclare, diplomatiquement, Susin Park, directrice du bureau du HCR pour la Suisse et le Liechtenstein.
Caritas a déjà demandé en avril de cette année, dans une lettre ouverte adressée au président de la Confédération Didier Burkhalter, que la Suisse accueille un contingent d’au moins 5000 réfugiés et qu’elle porte l’aide humanitaire à 100 millions de francs par an. Il est aussi nécessaire de réintroduire la possibilité de déposer des demandes d’asile dans les ambassades, ce qui éviterait dans bien des cas aux réfugiés des traversées à haut risque, par exemple en direction de Lampedusa.

*Responsable du secteur études, Caritas Suisse.

Opinions Agora Marianne Hochuli

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