Des mesures contestables à la lumière d’un Etat de droit
Le 9 juin prochain, nous sommes appelés à nous exprimer sur la révision de la loi sur l’asile. Si certains points sont acceptables et constituent de véritables avancées, d’autres, en revanche, sont une attaque à l’idée que nous nous faisons de notre pays en matière d’asile.
Tout d’abord, il y a lieu de s’inquiéter de l’empilement législatif auquel nous assistons en matière d’asile. Des révisions qui s’accumulent, sans laisser le temps au législateur d’analyser les effets de chacune sur la situation migratoire de notre pays. Cet empilement est un signe inquiétant d’une perte de vision de l’assemblée fédérale sur sa politique migratoire. Symptôme d’un parlement, qui, sur ces questions, plus qu’il ne réfléchit, s’agite. Et l’agitation n’est que l’incarnation de l’absence de vision politique.
En ce qui concerne le contenu de la loi, tout n’est pas forcément à jeter. Il y a lieu de saluer l’intention d’accélérer certaines procédures d’examen du droit à l’asile. Ainsi, nous pourrons peut-être éviter des situations humaines d’attente trop longue, plongeant des familles entières dans l’incertitude. Mais si ce point pourrait constituer une avancée, les autres, en revanche, sont un véritable recul basé sur une approche politicienne de cette question.
Le premier élément qui doit nous inquiéter, c’est la suppression de la demande d’asile dans les ambassades. Elle revient à supprimer une mesure efficace pour protéger les personnes en situation de détresse. En effet, depuis 1980, 2572 personnes ont pu être sauvées, et un besoin de protection leur a été reconnu dans 96% des cas traités, signe de l’incontestable efficacité de l’outil en question. Par ailleurs, celui-ci permet de faire venir uniquement les personnes véritablement en situation de détresse.
De plus, en supprimant la demande d’asile dans les ambassades, nous ne faisons que favoriser – de manière indirecte – les réseaux de passeurs et de criminels vivant de la détresse humaine. Ainsi, une certaine majorité du parlement s’apprête à renforcer le rôle des passeurs. Et donc l’immigration illégale…
Deuxièmement, il y a lieu de s’interroger sur la mesure concernant les déserteurs. La nouvelle loi prévoit de leur supprimer le statut de réfugié. Il s’agit en réalité de viser les déserteurs érythréens. En effet, dans ce pays, on se doit de servir un régime dictatorial dont les conditions sont absolument inhumaines. Mais le Conseil fédéral assure que ces personnes seront toujours admises dans notre pays car elles pourront bénéficier du statut de «personnes provisoirement admises». Ainsi, le parlement a introduit dans la loi une mesure totalement inutile, dont lui-même reconnaît le peu d’emprise qu’elle aura sur la situation actuelle, hormis d’envoyer un message désastreux à tous ceux qui désertent les armées de dictateurs dans le monde, notamment en Syrie.
Enfin, la révision prévoit des mesures en matière d’enfermement, contestables à la lumière d’un Etat de droit. Il est en effet prévu d’enfermer toute personne dont le comportement serait considéré comme «récalcitrant». Bien évidemment, le législateur s’abstient bien de définir la notion de «récalcitrant» dans la loi. Or, sans critères clairs, on ouvre la porte à toutes les formes d’arbitraire possibles. Priver quelqu’un de sa liberté de mouvement doit se faire sur des critères clairement définis et, dans la mesure du possible, sur une décision de justice. Notre système légal prévoit des sanctions contre les personnes qui commettent des délits ou des crimes sur notre territoire. Il suffit d’appliquer le code pénal. Et de faire confiance aux juges.
Toutes ces raisons doivent nous amener à refuser la révision de la loi, le 9 juin prochain. Mais aussi à souhaiter un débat migratoire plus serein dans notre pays, où l’étranger, qu’il soit réfugié ou simple travailleur venu d’Europe, ne doit pas être vu avec les lunettes déformantes des partis populistes. Mais comme quelqu’un accueilli sur notre territoire national, car il souhaite participer à notre communauté de destin. Celle d’un pays ouvert et tolérant, car il a foi en l’avenir.
* Candidat PDC au Grand Conseil genevois, membre de la Coordination genevoise Stopexclusion.