Édito

Acharnement thérapeutique

Pas question de rembourser le trop-perçu sur le dos des cotisants à l’assurance-maladie. La commission de la santé publique du Conseil des Etats a préavisé hier négativement deux propositions émanant l’une des cantons et l’autre du Conseil fédéral, qui visaient à restituer près de 1000 francs par assuré dans la région valdo-genevoise. Cela serait trop compliqué, ont estimé les sénateurs, laissant présager un rejet prochain par la Chambre haute des deux projets. Les cantons proposaient d’aller puiser dans les réserves des caisses pour rembourser les assurés spoliés; la Confédération imaginait, elle, un mécanisme de péréquation mettant à contribution les cantons qui avaient trop peu payé dans le passé. Ce préavis négatif fait suite à un lobbying intense des caisses. Au moins les choses sont claires: elles pèsent plus lourd que les vingt-six cantons et demi-cantons ou que la Confédération. Quand l’intérêt privé prime de la sorte sur la politique et sur l’intérêt commun, cela n’est jamais de très bon augure pour la démocratie. Un sain fonctionnement des institutions exigerait au contraire que l’argent ne puisse pas faire la loi. Dans bien des pays, un tel mélange des genres conduirait les députés stipendiés par le lobby des assureurs directement sur la paille humide des cachots. Pas sous nos latitudes. Mais il est vrai que nous avons une longue tradition de mercenariat. Pas d’argent, pas de Suisses, dit un adage; l’inverse se vérifie aussi. Difficile de sortir indemne d’un tel effondrement politique et social. La constante pression exercée sur le porte-monnaie des Helvètes par les coûts toujours croissants de la santé est délétère. Elle pousse des pans entiers de la population dans la pauvreté. Elle sape la solidarité confédérale. Et elle érode la confiance des Suisses dans leurs institutions, faisant au final le jeu de la droite populiste. Le rendez-vous est inéluctable: il faudra trancher ce nœud gordien, au risque de fâcher. La loi sur l’assurance-maladie (LAMal) est une usine à gaz échappant à tout contrôle, et le système est devenu d’une opacité totale. Entre les assurances de base, les complémentaires faites à la tête du client, les baisses constantes de prestations et autres entourloupes plus ou moins légales, c’est toujours l’usager qui trinque. On ne fera pas l’économie d’une remise à plat, avec la question qui fâche: ne vaudrait-il pas mieux une sécurité sociale digne de ce nom, qui couvre les prestations de base? Et pourvue d’un financement durable, c’est-à-dire basé sur la production des richesses et des capacités contributives plutôt que l’inique et antisociale flat tax actuelle. En 1994, ce rendez-vous a été raté, notamment pour cause de compromis boiteux bien helvétique. On voit ce que cela a donné. Les mécanismes de marché ont montré leur incapacité à réguler un domaine qui doit fonctionner selon des règles de bien commun. Et si on privilégiait pour une fois ce dernier?

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