QUAND LES FEMMES BOUGENT…
Alors que le nombre de femmes sans travail est plus élevé que celui des hommes, la proportion s’inverse en ce qui concerne les personnes inscrites au chômage1. Alors que les femmes sont plus touchées par le manque de travail, et de façon encore plus flagrante par le sous-emploi2, elles ont pourtant moins accès aux prestations de l’assurance chômage. Comment expliquer cette discrimination?
Premièrement, les conditions d’accès à l’assurance chômage pénalisent les personnes ayant un statut précaire et un faible taux de travail, catégorie où les femmes sont surreprésentées. La révision de la loi sur l’assurance chômage (LACI), actuellement en discussion au Parlement, augmente le nombre minimum de jours de cotisation pour avoir droit au même nombre d’indemnités, et ne fait que renforcer l’exigence de régularité et de stabilité de l’emploi.
La charge constituée par le travail domestique, assumé encore en grande partie par les femmes, les pénalise dans l’accès aux prestations de l’assurance. Certes, ladite «période éducative3» permet à un des deux parents de prolonger la période donnant droit aux prestations chômage. Mais au-delà des deux ans supplémentaires accordés, les parents qui se sont consacrés à l’éducation des enfants – le plus souvent les mères – perdent tout droit aux indemnités de chômage. Dans une perspective d’égalité reconnaissant le travail d’éducation des enfants, il faut revendiquer que ce temps soit assimilé à une période de cotisation, donnant directement droit aux prestations de chômage. De plus, cette période éducative doit être accordée aux deux parents afin d’éviter que ne se renforce l’assignation de ce travail d’éducation uniquement aux mères.
La LACI prévoit également que les personnes qui doivent reprendre une activité rémunérée à la suite de séparation, maladie ou mort du/de la conjoint-e soient libérées de l’obligation de cotiser. Or, cette possibilité, qui concerne encore une fois en premier lieu des femmes, est soumise à la condition d’une nécessité économique. En outre, la nouvelle révision diminue de 240 à 904 le nombre d’indemnités que ces femmes peuvent toucher. Ces limitations montrent le peu de cas que le système de sécurité sociale fait du travail non rémunéré réalisé par les femmes et de leur droit à une aide pour entreprendre une activité rémunérée.
Mais si on oublie le travail domestique dans les critères donnant accès aux prestations, on n’oublie pas le statut de mère lorsqu’il s’agit de prouver la disponibilité au travail. Comme l’admet le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) dans un rapport de 20065, les pratiques à l’égard des chômeuses avec des enfants en bas âge sont très discriminatoires: on leur demande la preuve d’une solution de garde pour les enfants, parfois on teste leur disponibilité en leur proposant subitement une mesure d’occupation. A l’inverse, rien de tel n’est exigé des pères. Ce sont les mères qui, seules, subissent pénalités ou même exclusion de l’assurance car leur disponibilité pour l’emploi n’est pas considérée comme suffisante.
Enfin, le mode de calcul des prestations reproduit les inégalités salariales entre femmes et hommes. Il arrive ainsi que les salariées avec des bas salaires renoncent à faire valoir un droit qui leur demande de multiples démarches pour un minimum de prestations. Revendiquer que les bas salaires puissent être indemnisés à 100% (contre 80% actuellement) permettrait de réduire les inégalités et surtout de limiter la paupérisation des personnes qui perdent leur emploi.
La défense des prestations sociales pour tous les chômeurs et toutes les chômeuses passe donc par une plus grande visibilité du chômage et du sous-emploi féminin, et par le refus des discriminations inhérentes au système. I
* www.ssp-vpod.ch/commissions/femmes.html, contact: tél: 021 340 00 00.
1 Selon les chiffres de l’ESPA (enquête suisse sur la population active, 2e semestre 2009), 182 000 personnes sont sans emplois mais seul-e-s. 154 000 chômeurs et chômeuses sont inscrit-e-s dans un Office régional de placement. 30 000 personnes sans emploi disparaissent donc des statistiques du SECO car elles ne remplissent pas les conditions d’admission à l’assurance.
2 Le sous-emploi est une réalité qui ne doit pas être négligée, puisqu’elle concerne 294 000 personnes, majoritairement des femmes (80%), qui souhaiteraient augmenter leur temps de travail.
3 Une personne au chômage doit prouver avoir cotisé au moins 12 mois au cours des deux dernières années. Dans le cas d’une période éducative, le délai est prolongé de deux ans supplémentaires.
4 Comme pour les personnes ayant terminé des études.
5 SECO, Rapport sur la discrimination dans le domaine de l’assurance-chômage, 2006.