Skip to content

Le Courrier L'essentiel, autrement

Je m'abonne

SORTIR ENSEMBLE ET SE RESPECTER

PRÉVENTION – Alors que, depuis un an et demi, le canton de Genève multiplie les forums d’information sur les violences domestiques – le 4e a eu lieu hier – un programme de prévention et de promotion de la santé** projette d’aider les jeunes à «partir du bon pied dès leurs premières expériences amoureuses».

L’adolescence est une période de bouleversements sur tous les plans: la puberté s’accompagne de profonds remaniements psychologiques et identitaires, le groupe des pairs et les relations amoureuses deviennent des intérêts principaux des adolescent-e-s. Cette situation d’entre deux – entre le monde de l’enfance et celui des adultes – est à la fois excitante et pleine de promesses mais s’accompagne aussi de beaucoup d’insécurité et de prises de risques. Il n’est pas absurde de considérer que les premières relations amoureuses sont déterminantes pour la construction des modèles de relations à plus long terme – même si tout ne se joue pas avant quinze ans. Cette période de l’entrée dans la vie amoureuse est favorable à l’apprentissage de modèles positifs. Démarrer sa vie sentimentale dans de bonnes conditions sur le plan physique, de la sexualité, ainsi que sur le plan relationnel (apprentissage du respect mutuel et prévention des violences et des abus) est plus que souhaitable.
S’il ne s’agit pas d’amplifier la médiatisation de quelques faits divers inquiétants, il faut relever que la violence de nature verbale et émotionnelle tend à être banalisée par les jeunes en lien avec l’adhésion à des stéréotypes sur le rôle des hommes et des femmes.

Les chiffres sont là: plus de 18% des filles et 25% des garçons interrogés1 disent avoir été victimes de vol et/ou de racket l’année précédant l’enquête. Environ 14% des filles et 2% des garçons rapportent avoir été victimes d’une violence ou d’un abus sexuel défini au sens large: «quand quelqu’un de votre famille ou d’autre vous touche à un endroit ou vous ne voudriez pas qu’on vous touche et quand quelqu’un vous fait quelque chose qui s’adresse à votre sexualité mais qu’il ou elle ne devrait pas faire».

L’impact du groupe et de la bande, l’accès facilité à la pornographie par internet peuvent avoir un effet de désinhibition non négligeable sur les comportements individuels.

Il nous a semblé important de mettre à disposition du public francophone – jeunes, parents et intervenant-e-s de la prévention et du secteur psychosocial et scolaire – un programme de prévention des violences et de promotion des compétences positives dans les relations amoureuses – «Sortir ensemble et respecter» (SEESR). Ce programme propose, au travers d’activités engageantes et ludiques, des outils interactifs pour aider les jeunes à partir du bon pied dès leurs premières expériences amoureuses. Il est inspiré du programme «Safe dates» développé à l’université de Chapel Hill en Caroline du sud (Foshee et Langwick 1994). Ce dernier avait fait l’objet de nombreuses évaluations démontrant son efficacité. Sa durée pallie plusieurs désavantages importants constatés dans d’autres programmes de moindre durée.

Le contenu et les modalités du programme SEESR ont été testés et adaptés lors d’une étude de faisabilité menée en Suisse romande2 dans le cadre de la Haute école en travail social de Genève et soutenu par le Fonds DORE du Fonds national de la recherche scientifique. Il s’est révélé un outil prometteur pour conduire progressivement les jeunes vers une prise de conscience, la construction de repères et les aider à acquérir des compétences positives dans leurs fréquentations amoureuses (lire le tableau ci-dessous)

L’utilisation du programme dans le cadre scolaire permettrait de toucher un grand nombre d’adolescent-e-s. La formule idéale serait qu’il soit proposé par des professionnels de la prévention, idéalement un homme et une femme, en complément de l’éducation sexuelle. Mais cela suppose la mise en oeuvre de moyens importants.

Les parents, les enseignants de l’enseignement secondaire pourraient aussi utilement se référer aux connaissances et repères proposés par le classeur. Les conseillers sociaux du cycle d’orientation pourraient proposer le programme et créer des événements et des animations sur la base de ces supports.

SEESR peut aussi être proposé hors du cadre scolaire, dans des centres de loisirs, des institutions pour jeunes et des lieux spécialisés comme le planning familial. Lors de l’étude de faisabilité dans des centres de loisirs à Genève et Fribourg les jeunes se sont révélés particulièrement intéressés et assidus bien que la présence soit libre.

Une utilisation partielle du programme est aussi possible mais seule la durée et l’approfondissement garantissent la création d’une dynamique de groupe favorable à des transformations durables des représentations et des comportements. I

* enseignante HETS Genève, psychologue, thérapeute de couple et médiatrice familiale, coautrice du programme SEESR.

** Sortir ensemble et se respecter – Prévention des violences et promotion des compétences positives dans les relations amoureuses entre jeunes, Jacqueline De Puy, Sylvie Monnier, Sherry L. Hamby, IES éditions, Genève 2009, et Se&sr.

1 Narring et al.; 2002. Santé et style de vie des adolescents âgés de 16 à 20 ans en Suisse, Lausanne, IUMSP.

2 De Puy et al., 2002. «Etude de faisabilité d’un projet de prévention des violences dans les relations amoureuses auprès des adolescents-e-s en Suisse romande». Recherche DORE Genève: ceres/ies.