Pourquoi est-ce si important de travailler en groupe, à l’école ou en milieu professionnel? Les groupes ont été décrits par plusieurs auteurs comme des «réservoirs d’informations», avec l’idée que les individus peuvent avoir des informations différentes et complémentaires, les mettre en commun, et arriver à la solution d’un problème de façon plus efficace que lorsqu’un individu travaille tout seul. Or, force est de constater que le travail en groupe ne donne pas toujours lieu aux améliorations de performance escomptées, notamment parce que les personnes censées travailler ensemble ne font pas circuler l’information pertinente qui pourrait amener par exemple à résoudre un problème. Dans une recherche récente1, nous avons essayé de montrer que ce manque de partage de l’information n’est pas un hasard. Nous soutenons que même dans les groupes constitués pour travailler ensemble, peuvent exister des motivations compétitives, dues par exemple au fait qu’un système d’évaluation est en place et qu’on veut donc réussir mieux que les autres; ceci amènerait alors à un comportement de rétention de l’information, pour empêcher les autres de réussir.
Avec des étudiants universitaires, nous avons constitué des groupes de trois membres appelés à résoudre un problème nécessitant de posséder toutes les informations disponibles. Or, nous avions distribué les informations en les divisant en informations communes, possédées par les trois membres, et informations uniques, possédées par un seul membre. Il est clair que discuter les informations communes n’est pas très utile dans ce cas, alors qu’il est crucial de discuter les informations uniques. Avant que les groupes ne commencent à travailler, nous avons organisé les membres en une structure coopérative pour la moitié des groupes, et compétitive pour l’autre moitié. Les résultats, illustrés dans le graphique ci-contre, montrent qu’au sein des groupes compétitifs les membres partagent largement moins les informations uniques que dans les groupes en coopération. Cette rétention d’information, cependant, est une stratégie inutile, même d’un point de vue compétitif: les groupes compétitifs résolvent le problème beaucoup moins souvent que les groupes coopératifs, même si on considère la réussite individuelle d’un seul membre du groupe comme critère de succès. Clairement, les comportements de rétention de l’information produits par la compétition sont doublement antisociaux: ils nuisent au groupe et à l’individu. FB
1 Toma, C., & Butera, F. (sous presse). Hidden profiles and concealed information: Strategic information sharing and use in group decision making. Personality and Social Psychology Bulletin.
Travailler en groupe, vraiment?
1 Toma, C., & Butera, F. (sous presse). Hidden profiles and concealed information: Strategic information sharing and use in group decision making. Personality and Social Psychology Bulletin.