«Les conflits d’intérêt peuvent être partout»
«L’image du savant fou nous colle à la peau», déplore Michel Burnier, médecin chef au service de néphrologie du CHUV et directeur de la Commission d’éthique de la recherche. Pourtant, les travaux des scientifiques menés sur des êtres humains n’ont jamais été aussi encadrés qu’aujourd’hui. «Hélas, le grand public ignore ce qu’est une commission d’éthique. Il continue de penser que nos travaux se limitent aux tests de médicaments ou d’appareillages. Il y a un vrai déficit d’information.» Vaud n’a pas attendu que Berne légifère pour mettre en place des procédures. La commission d’éthique examine les projets de recherche. Elle vérifie que le patient soit bien informé des buts et des risques. Un point crucial, selon Michel Burnier, qui n’hésite pas à s’imposer à lui-même une discipline drastique. «Quand je suis en charge d’un projet, je tiens à ce que le patient soit informé par une infirmière plutôt que par moi. Le chercheur a toujours envie que le sujet participe. Par manque de distance, il pourrait être amené à minimiser les risques éventuels.» Au total, moins de 5% des projets sont refusés ou retirés au CHUV en raison de difficultés éthiques, selon Michel Burnier. Par exemple, un programme visant à filmer le personnel soignant pendant son travail. Les employés de l’hôpital pourraient-ils travailler en toute sérénité avec une caméra pointée sur eux? « Imaginez qu’ils aient raté une réanimation… Les questions sont devenues tellement complexes qu’on a préféré renoncer. Le but de cette recherche était pourtant louable. Il s’agissait de corriger de possibles erreurs de pratique.» La loi cantonale vaudoise définit clairement la composition des commissions. Des médecins, bien sûr, mais aussi des juristes, des psychologues, des sociologues, des statisticiens et des personnes externes au sérail. La règle vise à garantir à l’assemblée une certaine impartialité. «Le rôle d’une commission est de protéger la personne. Elle doit être indépendante de l’industrie, qui a des intérêts économiques, comme de l’université, qui pousse les chercheurs à la carrière… Les conflits d’intérêts peuvent être partout.» LP