A l’approche des fêtes de fin d’année, vient la formule des vœux. Celle de cette chronique invite à mieux considérer les capacités et, surtout, l’envie de chacun·e de se déplacer autrement. Au-delà de la simple mise à disposition d’alternatives à la voiture (vélos, transports publics), il s’agit aussi d’apprendre à se déplacer autrement, afin d’aimer le refaire à l’avenir.
Le secteur des transports, en Suisse comme plus généralement en Europe, est désormais celui qui émet le plus de gaz à effet de serre. Il est également le seul en Europe à avoir connu une hausse constante de ses émissions depuis 1990.
Pourtant, au cours des quarante dernières années, de multiples politiques publiques axées sur les infrastructures et les services de transport (telles que le développement des transports publics et des vélos en libre-service, les voies réservées à ces modes de transport et les zones à 30 km/h) ont visé à réduire l’utilisation de la voiture.
En renforçant l’offre de transports alternatifs à la voiture, les politiques publiques ont posé un premier jalon indispensable aux déplacements décarbonés dans de multiples territoires, notamment urbains: la possibilité de rejoindre sa destination sans voiture. Toutefois, le développement d’un service n’est pas une fin en soi. Il est tout aussi essentiel de prendre en compte les capacités – diverses et variées – des personnes qui utilisent, ou pourraient utiliser, des modes de transport alternatifs à la voiture.
La capacité à se déplacer en recourant à ces modes de transport renvoie d’abord à des savoir-faire, allant de la préparation du trajet (organisation d’un trajet en fonction des horaires, de la disponibilité des transports, des éventuels changements à effectuer et de l’achat des titres de transport) à sa réalisation (orientation, réaction aux imprévus). Etre en mesure d’utiliser le vélo et les transports publics implique ainsi des compétences qui ne se réduisent pas à la simple mise à disposition de ces objets et services.
La capacité à se déplacer sans voiture renvoie également au degré avec lequel les personnes s’approprient – ou souhaitent s’approprier – ces transports au-delà du seul fait d’y avoir accès (disposer des objets/services) ou de savoir les utiliser (compétences). Du point de vue des pouvoirs publics, favoriser un changement vertueux ne peut se limiter à l’offre alternative à la voiture: cela implique aussi un accompagnement personnalisé, pour que les personnes les testent (en mettant par exemple à disposition des abonnements, des repères pour accéder aux services et aux activités accessibles, et une ligne d’échange téléphonique en cas de questions), et les approprient (retours d’expérience et suivi après l’essai de l’usage effectif et régulier).
Au regard des habitudes de chacun·e, des contraintes temporelles (calendriers possiblement saturés), des inégalités sociospatiales (transports alternatifs plus ou moins compétitifs), et des éventuels déménagements (nécessitant de réapprendre les horaires ou les emplacements de ces transports), un accompagnement pourrait grandement faciliter l’appropriation des alternatives à la voiture.
Et pour que le changement soit réellement significatif, il est important de mettre en avant la satisfaction que chacun peut tirer de l’usage des transports alternatifs à la voiture. Car le temps de déplacement n’est pas un temps perdu. C’est un temps en soi et pour soi, d’autant plus précieux lorsqu’il permet de s’activer ou de se reposer.
De nombreuses études scientifiques l’ont montré: ces transports présentent un plus grand potentiel d’activité et de satisfaction que la voiture, notamment la marche à pied et le train. Quand le confort le permet et que ces transports sont appropriés, il est possible de tirer plaisir d’une lecture ou d’une discussion, d’une échappée sur le web ou des paysages qui défilent, d’un effort physique mais aussi de simples instants de transition et de repos, propices au ralentissement.
Alors, en cette nouvelle année 2026 qui s’annonce, pourquoi ne pas essayer, peut-être même s’agacer, mais recommencer. Ces moments font partie intégrante de l’apprentissage: conditions essentielles pour apprécier et pratiquer autrement les déplacements à l’avenir. Car si rien n’est plus permanent que le changement, notre monde – accéléré – ne demande qu’à être essayé autrement.