A l’épicentre de nos angoisses contemporaines, La Déroute d’Emma Pattee explore le quotidien d’Annie, enceinte de neuf mois. Elle se retrouve seule à Ikea pour acheter un berceau, lorsque la terre se met soudain à trembler. Déterminée à rejoindre son mari, Annie traverse la ville détruite de Portland et fait une série de rencontres qui dévoilent tantôt la compassion, tantôt l’égoïsme de la nature humaine. Plongés dans la conscience d’une protagoniste attachante, on est témoin de ses échanges avec son enfant à naître au fil d’une narration qui alterne entre les vingt-quatre heures suivant le séisme et les souvenirs d’Annie, jusqu’à la convergence des deux temporalités.

Le réalisme du récit repose sur la vie de l’autrice à Portland, son expérience de mère et sa formation de journaliste climatique, qui confère une précision frappante à chaque détail géographique ainsi qu’à la description du séisme – le fameux «Big One», toujours redouté. Cet ancrage dans le réel se reflète aussi dans les pensées d’Annie, qui mêlent les préoccupations liées à la catastrophe à une réflexion plus large sur la maternité, le deuil, les ambitions contrariées, la société capitaliste, les relations humaines, ou encore les enjeux de la technologie. Si certains thèmes restent peu approfondis, leur abondance participe toute­fois à l’immersion et à la fluidité du récit. La plume légère, aux accents humoristiques, équilibre la gravité de l’intrigue et déjoue le stéréotype du roman post-apocalyptique. Au cœur de cette traversée, tremblement de terre et grossesse traduisent l’instabilité de la vie et la difficulté à s’y préparer. La fin ouverte, au caractère quelque peu idéalisé, met l’accent sur l’espoir et la possibilité d’un nouveau départ.