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Baisse d’impôts: acte IV

Baisser les prestations pour compenser la baisse d’impôts n’est plus tabou à droite. Notre exergue.
Le député PLR Yvan Zweifel a clairement assumé la possibilité de couper dans les prestations sociales. KEYSTONE
Impôts

Toute pièce de théâtre classique digne de ce nom se doit de comporter cinq actes. Il en va de même pour la saga genevoise de la baisse d’impôts. Ici, on pourrait sans doute parler de drame. Un drame qui a connu une accélération en fin de semaine passée alors que le député PLR Yvan Zweifel a clairement assumé dans les colonnes de la Tribune de Genève la possibilité de couper dans les prestations sociales.

Acte I

La situation géopolitique internationale, principalement la guerre en Ukraine, fait flamber le prix des matières premières. Jackpot fiscal pour le canton de Genève qui abrite des entreprises multinationales de premier ordre actives dans le négoce de ces matières.

Acte II

Afin que cette manne ruisselle comme il se doit, le Conseil d’Etat genevois, reprenant et accentuant un projet de loi de la droite, propose une baisse d’impôts jusqu’à 11,4% pour la «classe moyenne». Soit les ménages avec un revenu se situant entre 35’000 et 411’000 francs annuels, définit le gouvernement. Coût estimé pour les finances cantonales, 326 millions de francs que Genève peut se permettre, défend Nathalie Fontanet, ministre des Finances. Celles et ceux qui ne paient pas d’impôts, c’est-à-dire qui ne gagnent pas assez pour être taxé·es une fois toutes les déductions faites, sont exclu·es de la botte du Père Noël.

Pour les promoteur·ices de la ristourne fiscale, ces catégories ont vu le montant des aides augmenter. Par ailleurs, les TPG gratuits pour les jeunes et à demi-tarif pour les aîné·es leur sont destinés. La gauche et les communes s’opposent farouchement, mais la population valide largement la baisse d’impôts en votation.

Acte III

Le retour de bâton. La manne fiscale se tarit. Le négoce des matières premières se dégonfle. Les bénéfices des multinationales dont le canton est devenu extrêmement dépendant s’amenuisent, les recettes des personnes morales sont revues à la baisse pour 2026. Dans un mouvement opposé, les charges sociales contraintes et de péréquation intercantonale explosent. Si les recettes des personnes physiques progressent malgré la baisse d’impôts, le canton s’est volontairement privé de quelque 326 millions qui manquent à l’appel. Le budget 2026 plonge dans le rouge, puis le rouge vif: moins 750 millions de francs. Un gouffre.

Acte IV

A gauche comme à droite, on s’étrangle, mais pas pour les mêmes raisons. A gauche, on tire à boulets rouges sur les baisses fiscales des dernières années. Le manque à gagner de plus de 300 millions de francs de celle votée en 2024 n’aurait pas suffi à proposer un budget équilibré, mais le choc aurait au moins pu être atténué. En lieu et place, c’est l’urgence: la fonction publique se voit privée d’annuité et d’indexation. Le Conseil d’Etat promet un plan d’économies pour le printemps, après le débat budgétaire. A gauche, on propose de nouvelles recettes pour combler les pertes sans toucher aux prestations et à la fonction publique.

Les moins bien loti·es et la fonction publique auront payé la baisse d’impôts de la classe moyenne très élargie

Et à droite? Chez celles et ceux qui affirmaient la bouche en cœur que Genève pouvait se permettre cette baisse d’impôts sans coup férir, on tourne la tête du côté des aides aux plus précaires. Ainsi, dans la Tribune de Genève du week-end, le député PLR Yvan Zweifel, l’un des deux élus qui avaient contesté la gratuité des TPG devant la justice, pointe du doigt l’augmentation des subsides d’assurance-maladie et interroge l’automaticité de certaines aides.

«Bien sûr, in fine, nous aiderons peut-être moins de personnes ou il y aura moins de prestations, mais je rappelle que Genève dépense 8200 francs de plus par personne et par année que le canton de Vaud, alors il y a de la marge pour économiser avant que cela ne touche les Genevois», assène-t-il dans les colonnes du quotidien. Bref, baisser les prestations de celles et ceux, les plus précaires, qui n’ont rien touché de la baisse d’impôts au motif que leurs aides avaient été augmentées.

Acte V

Le grand marchandage a commencé. Les parties listent les nouvelles recettes possibles ou les aides jugées trop généreuses voire superflues en vue des discussions du printemps prochain. Le mécanisme d’assainissement laisse le dernier mot au peuple qui aura à se déterminer entre baisses de prestations ou hausse d’impôts équivalentes. Il est à craindre, compte tenu de la baisse du pouvoir d’achat, que la majorité penche pour alléger les prestations. Et alors, les moins bien loti·es et la fonction publique auront payé la baisse d’impôts de la classe moyenne très élargie.

 

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