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L’égalité a bon dos

KEYSTONE / PHOTO-PRÉTEXTE
Votations

La campagne sur le service citoyen bat son plein, et avec elle, plusieurs démonstrations de purplewashing. Des préoccupations féministes sont récupérées par des femmes libérales pour tenter de faire passer ce projet politique. L’initiative «pour une Suisse qui s’engage», sur laquelle nous votons le 30 novembre, veut obliger les femmes à servir le pays, que ce soit en rejoignant l’armée, la protection civile ou tout autre «service au bénéfice de la collectivité et de l’environnement.»

-> lire notre article du 7 novembre

Cette contrainte supplémentaire est brandie comme une opportunité. Pour Céline Weber des Vert’libéraux – seul parti à soutenir la proposition – la situation actuelle prive la gente féminine de l’«expérience extraordinaire» vécue par les hommes lorsqu’ils servent la patrie. La conseillère nationale expliquait lundi dans Forum sur la RTS que cette initiative résoudrait les inégalités qui reposent, d’après elle, sur cette «erreur d’aiguillage à 18 ans» qui valorise le sexe fort en lui permettant de se former aux frais de l’Etat, de développer son réseau et renvoie «les femmes derrière leurs casseroles».

Les arguments de l’instigatrice du projet, Noémie Roten ne sont pourtant pas inintéressants: lutter contre les stéréotypes de genre en facilitant l’accès des femmes à l’armée et au service civil, brisant ainsi la figure de l’homme protecteur et de la femme infirmière. Un service citoyen sur une base volontaire serait bienvenu. Ici pourtant, il est brandi comme une baguette magique qui résoudrait les inégalités. Pourtant il ne s’attaque pas à nombre de problématiques criantes comme la faible rémunération des métiers à majorité féminine, la prévalence du travail à temps partiel pour les mères et les interruptions liées à la maternité qui paupérisent les femmes.

Simone de Beauvoir disait: «Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question», c’est ici la situation sécuritaire qui est évoquée. Johanna Gapany, sénatrice PLR, évoque le spectre de l’extension de la guerre en Ukraine pour arguer que les femmes doivent «apprendre à réagir à un éventuel assaillant dans leur salon» et défendre le projet. Prétendre défendre les droits des femmes en les contraignant davantage devrait inciter à la vigilance.

Le vocabulaire des initiant·es évoque des valeurs solidaires comme «service citoyen», «tâches en faveur de la collectivité» et «cohésion nationale», mais le texte fait primer l’armée et la protection civile sur les autres services rendus à la collectivité et à l’environnement. Il sert avant tout l’aspect sécuritaire de l’Etat nation.

Sans compter que si le projet était adopté, ses lois d’application seront définies par le Conseil fédéral et le Parlement. Instances majoritairement masculines et patriarcales. Astreindre les femmes, qui consacrent déjà 61% de leur temps de travail total à des heures non rémunérées, c’est les étouffer davantage et c’est inapproprié.