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Aux HUG, une infection raciste mal curée!

Alain Tito Mabiala revient sur le malaise persistant aux Hôpitaux universitaires de Genève, après un audit confirmant l’existence de propos racistes entre cadres et personnel au sein de l’institution.
Racisme

En 2020 déjà, une employée somalienne des Hôpitaux universitaires de Genève avait subi une insulte raciste de la part de sa hiérarchie 1>«Une cheffe de clinique accusée de racisme», Tribune de Genève, 21 août 2020.. En 2021, c’est une infirmière de confession musulmane2>«Racisme à la crèche des HUG?», Le Temps, 3 août 2021. qui s’était vu proscrire l’inscription de son fils à la crèche des HUG sur un ton désagréable, au nom des restrictions alimentaires. Le syndicat Avenir syndical, qui avait eu à soutenir les deux femmes, avait exigé des excuses dans les deux cas. Les ressources humaines des HUG avaient esquivé lesdites requêtes.

De là, l’on peut oser dire qu’affronter le racisme n’avait jamais semblé être une urgence aux HUG. Jusqu’à ce que, ayant grandi en confiance depuis leur malveillante tanière, des racistes, ou l’un d’eux, ne griffonnent sur la porte de la responsable des soins en gériatrie: «Négresse dégage». Dans une grande institution comme les HUG, cet affront n’émerge qu’à travers un environnement propice. D’ailleurs l’audit réalisé à cet effet parle d’une septantaine de témoignages concernant l’existence de ce racisme et du laxisme patent à son égard3>«Propos racistes confirmés aux HUG mais ‘minimisés’», 20 Minutes, 15 oct. 2025.. «On dénonce, mais rien ne se passe» avait déclaré un collaborateur. Or, devant une situation d’injustice, toute ambiguïté, dans la réaction et dans la répression, est une forme de complicité. Desmond Tutu ne le contredirait pas.4>«A Genève, le racisme gangrène les couloirs de l’hôpital», 24 Heures, 14 oct. 2025.

A présent que ce racisme couvé au sein de l’institution a explosé dans toute sa puanteur, un petit syllogisme est nécessaire pour voir la taille du danger qui pèse sur l’altérité fréquentant les HUG. En tant que personnel aux HUG, les Noir·es et les Arabes subissent le racisme. Or, parmi les patient·es des HUG, il y a des Noir·es et des Arabes. Donc les patient·es noir·es et arabes sont aussi exposé·es à ce racisme. Imaginez un·e malade racisé·e seul·e, affaibli·e dans son corps et moins lucide dans son esprit, entre les mains hostiles d’un·e raciste, dans l’intimité des soins qu’exige la prise en charge. A ce sujet, Joëlle Payom, fondatrice de l’association Rezalliance, dit: «Un hôpital devrait être un sanctuaire, un lieu où l’humanité est au cœur de chaque interaction. Le racisme à l’intérieur de ses murs n’est pas seulement inacceptable, c’est une trahison de la mission même du soin. De nombreuses vies sont en jeu.» Cette tolérance au racisme est un danger aussi pour les patient·es et peut produire des injustices graves, comme le relève Amnesty International5> «Le serment d’Hippocrate mis à mal», amnesty.ch, sept. 2023..

Pour se défendre, les HUG invoquent leur organe de lutte contre les discriminations. Mais des témoignages affluent. Il y a aussi la peur des représailles. Celles-ci sont une domination et non une subordination. A se demander ce qu’est vraiment le climat de travail aux HUG pour les personnes racisées, quand on sait qu’une certaine opinion semble justifier ce racisme au nom de l’incompétence des soignant·es racisés, dans une essentialisation. Ce cas révèle aussi que l’espace public est blanc, et que les péripéties d’affirmation du ou de la Noir·e au milieu de la blancheur sociale font penser à la condition noire. «La ‘condition noire’, c’est une expérience sociale, mais c’est surtout la souffrance provoquée par le racisme et les discriminations», dit l’historien Pap Ndiaye. Désinfecter les HUG du racisme s’avèrerait salutaire pour leur réputation.

Notes[+]

Alain Tito Mabiala, journaliste et écrivain congolais exilé en Suisse.