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Quelle est la vraie question?

Le Conseil d’Etat genevois annule la votation du 30 novembre sur les ouvertures certains dimanches des magasins genevois. KEYSTONE
Votation cantonale genevoise

Un camouflet pour le peuple. L’annulation annoncée mercredi par le Conseil d’Etat genevois de la votation du 30 novembre sur les ouvertures des magasins genevois certains dimanches prive les électrices et les électeurs de leur capacité de donner leur avis sur un objet particulièrement sensible. C’est une très mauvaise nouvelle en termes de respect de la volonté populaire.

Le raisonnement de l’exécutif genevois est un brin spécieux. Un récent arrêt du Tribunal fédéral sur cette question estime que lier les ouvertures dominicales à la conclusion d’une convention collective de travail serait non conforme au droit supérieur. Cet arrêt rendrait, selon le gouvernement genevois, le scrutin sur cette question prévu le 30 novembre «illisible». Cela revient tout de même à ne pas respecter l’éminent principe in dubio pro populo (dans le doute, il vaut mieux en référer au peuple).

Discutable. Une acceptation de la loi le 30 novembre n’aurait en effet pas posé de problème au regard du droit supérieur; un refus aurait obligé à revoir la LHOM (loi sur les heures d’ouvertures des magasins), ce qui devra de tout façon être fait, d’une manière ou d’une autre. Dans tous les cas, le signal politique aurait été clair.

Sur le plan démocratique, la décision est problématique. La loi jugée non conforme au droit supérieur par le Tribunal fédéral – celle qui liait les ouvertures dominicales  à la conclusion d’une convention collective de travail – résulte d’un contre-projet concocté par la droite à une initiative de la gauche et des syndicats. «Touche pas à mes dimanches», en l’occurrence. Sans ce contre-projet, l’initiative – qui a tout de même trouvé 48% de oui lors de la votation en 2016 – aurait sans doute passé la rampe.

Enfin, juridiquement, on peut critiquer la décision du Tribunal fédéral. Celui-ci estime que la Loi genevoise sur les heures d’ouverture des magasins est une disposition visant à réguler la salubrité publique. Et non à protéger les travailleuses et les travailleurs. Un juridisme étroit qui n’étonne pas de la part de la Haute cour qui n’est guère réceptive aux questions du droit de travail mais toute ouïe quand il est question des principes d’un marché libre et non entravé par des futiles dispositions comme le droit à une vie de famille digne.

Car cette dernière question est la seule qui vaille vraiment la peine d’être posée. L’allègement très partiel de la possibilité d’ouvrir le dimanche n’est évidemment qu’un premier pas vers un démantèlement du droit à la préservation de sa sphère d’autonomie, de partage et convivialité plutôt qu’un consumérisme débridé qu’on nous sert comme succédané à la vraie vie.